un texte de Cécile qui joue avec les suffixes
et les préfixes
et imagine le monde d'après...
-
Mamy ! Tu me racontes encore l'histoire de la
Déconfiture, s'il te plaît, Mamy !
-
Oui, Petit, je vais te raconter …
Il y a longtemps, tout le monde disait
« c'est la déconfiture » parce que
nous étions en période de confinement suite au
Coronavirus et nous ne savions pas comment en sortir, nous étions devenus une confination.
Petit, c'était en 2020, je me rappelle de tout !
Nous avions formé un groupe de parole, nous
échangions des idées par Mail, SMS ou tél, selon nos moyens, nous étions tous dans la même limite : ne pas
sortir de chez nous ! Mais notre imagination, elle, n'en avait pas de
limites... et, comme tout le monde s'inquiétait du « après », nous, confinistes affirmés, avons élaboré un projet.
Je me rappelle, ça tombait bien, la municipalité
d'Espezel venait de signer pour un grand hangar avec toiture solaire pour
abriter des projets et, justement, nous en avions un !
Lors de cette crise, cette pandémie qui apportait
la mort à certains plus qu'à d'autres, les médecins, les médias parlaient de
surpoids, les gens obèses mouraient plus que les autres et on en vint à dire
que le sucre était très néfaste à l'homme, qu'il en était la cause.
Alors, comme nous étions tous déconfits à cette annonce, nous avons décidé de monter
une usine de Déconfiture. Il s'agissait
d'enlever, d'extraire le sucre mis habituellement pour la fabrication des confitures maison ou industrielles.
Nous avions idées et personnel, ça allait être une
totale innovation !
Notre petite néoconfinette,
Camille, avait plein d'idées, Paul, notre expert confilogue,
à qui nous faisions totalement confiance, nous
a mis au point un système inédit et, grâce à son imprimante 3D, nous pourrions
en disposer rapidement.
Les enfants, Léon et Titouan, les plus confivores, pouvaient être mis aux postes de
goûteurs/testeurs, tout se dessinait parfaitement bien.
Mais parfois nous avions envie de confinasser un peu, un jour Anne a été prise en
flagrant délit de confinassage intégral, elle ne faisait plus que peindre ! Plus
tard son confiteor lui a permis heureusement de
revenir au sein de notre confinatrerie.
Jean-François portait le ton haut et fort, il
était devenu notre confiniste avec des opinions
bien arrêtées, un adepte du confinage total
pour tous, voire du surconfinage pour les
enfants et envisageait stoïquement le reconfinement.
Dans le groupe, d'autres se rassuraient dans leur confiture…
-
Eh
! Mamy, Mamy, tu t’endors, tu as dis « confiture »
au lieu de confinitude !
-
Ah
! Oui, oui, Petit, tu as raison, confinitude, excuse Petit, je reprends...
Notre projet prenait forme doucement mais
sûrement, il s’avérait super bien conficocté.
Françoise avait eu une idée lumineuse, elle avait
demandé à Benoît de cultiver du chanvre pour que nous puissions faire des
filtres, car pour assurer le déconfiturage de
toutes nos anciennes confitures, il nous
fallait évacuer 50% du sucre ajouté à la fabrication traditionnelle. Une
technique bien particulière, secrète.
Il fallait penser aussi à la suite.
Lucie, qui avait déjà planté beaucoup d'arbres
dont des agrumes, rares dans nos régions à cette époque, allait en planter
encore et Juliette allait étendre son verger.
Nous allions bientôt pouvoir cueillir oranges,
citrons, pamplemousses, oui, oui, au Pays de Sault !
Il faut dire qu'en même temps le climat changeait
et il se mettait à faire chaud, parfois nous confiboullions.
Pour tout ça, pas question de confinâtrer, il nous fallait du sérieux, du certain, confirmer, valider, fut le travail de Marie-Jo.
Florian, qui rêvait de mécanique, nous configura une confiteuse
capable de nous aider dans le traitement de tous ces pots que déjà nous
recevions de partout. Tout le monde vidait placards, caves, débarras, remises, où était stockée
leur précieuse denrée. Il fallait faire vite, l'imprimante 3D nous avait sorti
filtres, confiteuse, les différents systèmes
très confidentiels de Paul, la déconfinerie tournait à fond sous sa toiture et son
énergie solaire et bien sûr avec son personnel de confineurs
et confineuses spécialisé.e.s.
Notre nouveau produit reconfinaturé
allait faire un tabac !
Nous avions
fait des tests parce que Sébastien, confiphobe
à tout crin, ne voulait pas mettre sur le marché notre produit sans cette
sécurité. Odile, notre plus grande confinesse,
nous apportait toute sa logique, son sérieux, sa sagesse, elle était
rassurante. Néanmoins nous attendions tous le déconfinage
promis, avide de devenir exconfinés.
Nous avions mis au point deux produits : des
pots Reconfinaturés que nous remettions dans
leurs anciens pots et nos produits de nouvelle génération, un pot Confinature de 250 gr et
un pot Confinette
de 100 gr.
Que des fruits purs ou en mélange, pas de sucre
ajouté, tout le monde adorait, tous les parfums étaient là. Nous avions banni
les bananes parce que trop inadaptées au Plateau de Sault et bien trop
énergivores en matière de transport.
Mais tu sais bien, Petit, que maintenant sur le
Plateau on peut acheter, pommes, cerises, poires, oranges, nèfles, argouses,
coings, citrons, pêches, abricots, cassis, groseilles, framboises, melons,
arbouses, tomates, pomélos, aussi des noix... tout le monde a replanté des noyers,
ils sont beaux et ne cassent pas au vent ! Les noix, on en ajoute dans nos
recettes, c’est bon ce conficroquant.
Une autosuffisance est née, le chanvre isole nos
maisons de bois du pays façonné à la scierie, nous mettons au point un
couvercle, en chanvre aussi, pour nos confinatures,
il y a du travail pour tous, plus d'obésité, la vie est belle, Petit ! Nous
sommes, nous confinois, tous, devenus de
véritables enconfinaturés comme disent
certains, jaloux sans doute…
Ha ! Tu dors, Petit.
Dors bien.
Cécile
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