1er jeu : un texte qui va permettre
de recycler 5 morceaux d’écrits qui aurait dû finir dans le bac à recyclage des
papiers.
Tous
les matins, Jacques Necker se réveillait convaincu qu’il se sentirait plus
reposé s’il se forçait à ne pas fermer l’œil de la nuit. Malgré sa fatigue journalière, il s’imposait quelques
exercices pour fortifier ses muscles, la jambe libre fléchie et la cuisse
orientée à 45° par rapport au sol, le tronc légèrement incliné en avant et
fléchi au niveau de la hanche. Tout en
faisant ses exercices, il pensa qu’il devait passer chez Lionel Guéraud, à
Castelnaudary, pour qu’il vienne lui poser une nouvelle serrure. Samedi passé, il avait organisé une petite
fête pour son anniversaire et il avait invité quelques amis et ses voisins,
Louis Cassan, Arnaud Cassignol et Elisabeth Castoriano. Ces derniers ne s’étaient pas fait prier pour
que l’on remplisse leurs verres et à la fin de la soirée ils avaient quitté la
maison tous les trois en titubant. Louis
avait trébuché et en voulant se retenir à la clinche de la porte, celle-ci
s’était déboitée et la clé s’était fracassée sur le seuil de pierre. Donc, après sa gymnastique, il sortit sa
trottinette et se mit en route vers Castelnaudary.
Anne
D’habitude,
je joue à fond sur mon côté nordique dans la mesure où c’est mon point
fort. Mais de temps en temps, je deviens
diabolique. J’ai même un jour scotché
Marie-Laure Denis dans un pouf-poire vert anis, pendant une journée, sa jambe
libre fléchie à 90° au moins, sa cuisse parallèle au sol. Ce n’est pas tout. Le lendemain, après avoir fait appel à Mr
Denjean Henri de France-élévateur, je l’ai ficelée, le corps vertical, dans un
élévateur de compétition et l’ai propulsée à la hauteur du toit de ma maison,
le nez dans les fumées de cheminée où brulaient des plastiques non recyclables. Mon voisin, Jean-Marie Devaux, est venu
interrompre l’aventure en me traitant d’assassin.
Annie
-
Ecoute, Nicole, tu n’as pas eu le temps d’y
réfléchir sérieusement. ne me donne pas
ta réponse tout de suite, penses-y.
Permets-moi toutefois de te demander une chose. N’aimerais-tu pas me voir fringuant au volant
de ma superbe voiture de course, les cheveux dans le vent ?
-
Te faire poser une perruque, je trouve ça
aussi ridicule que ta voiture
-
Oh, avoue que ça te donnerait envie
d’activités rythmées et de mouvements d’oscillation…
Sourires
coquin de Ferdinand. Lever au ciel des
yeux de la femme dont le petit badge argenté indique Metayer Nicole. L’homme déplace les cartons en faisant
saillir ostensiblement les muscles de ses bras.
Il explique, professionnel jusqu’au bout :
-
les bras servent moins à l’équilibre qu’à la
poussée… (clin d’œil appuyé)
Un
homme en costume entre dans le hall et se dirige vers Nicole
-
Bonjour, Eric Miglierina, j’ai rendez-vous
avec le directeur.
-
Je le préviens, veuillez attendre dans le
fond du couloir
Tandis
que l’homme s’éloigne, la secrétaire souffle à Ferdinand :
-
Lui, je suis sûre qu’il porte des talonnettes
et une perruque. Je te préfère comme tu
es, c’est plus viril… (clin d’œil appuyé)
Camille
J’avais
l’impression qu’il me fallait tenter quelque chose d’un peu différent. Parfois, je ne supporte pas d’avoir l’air si
conventionnel. À force d’être assise à
mon bureau sur mon tabouret sur roulettes, pivotant, montant et descendant au
besoin, au risque de perdre l’équilibre, je me senti le besoin de reprendre une
activité physique. Mes amis, Labbée
Jean-Claude et Sophie m’encouragèrent et m’indiquèrent un club de fitness. J’hésitais un peu, surtout quand mon collègue
Marcel Labroue se moquait de moi quand j’évoquais le sujet. Mais c’était décidé, je me suis inscrite à
Sudfitness, au choix aquagym, aquabiking, fitness et musculation. Ma première séance, jeudi dernier, m’a amenée
à sauter, sauter encore mais un type de saut limité à 100° d’impulsions tout en
allant le plus haut possible !
J’étais ravie, je retrouvais un peu de ma jeunesse oubliée, c’était
super. Au bout d’un temps, mes muscles
se dessinaient et le collègue Marcel ne se moquait plus.
Cécile
Après
avoir raccroché, Jacques Necker resta immobile, le regard dans le vague. Il ne se faisait aucune illusion. La clé du coffre-fort avait bel et bien
disparu. Le souci, c’était que les
diamants qu’il comptait offrir ce soir à Mary-Christine White se trouvaient à
l’intérieur. Qui avait subtilisé la
clé ? Il pensa aussitôt à ce Gérard
Willenbrink qui était venu ce matin détruire le nid de frelons installé sur la
grande poutre de la bibliothèque. Quand
Jacques était passé ce matin devant la porte ouverte, il avait jeté un œil à l'intérieur et
avait bien vu le destructeur de frelons, la cuisse de la jambe libre s’élevant
à la verticale sous l’action de la jambe d’appel, en équilibre précaire sur la
poutre. Mais une fois entré dans la
bibliothèque et opérant une plus grande inclinaison du corps pour récupérer son
œil, il n’avait pas vu que la clé se trouvait dans la soupière chinoise posée
sur le meuble juste en-dessous de la poutre.
Il était trop tard maintenant pour trouver un autre diamant et, sans ce
laissez-passer, il n’avait aucune chance de mettre le grappin sur l’élue de son
cœur. Ce n’est pas grave, il pourra
jouer la raison et se rabattre sur Gabrielle Walter, un bien meilleur parti
selon sa mère.
Françoise
Marie-Antoinette
Meric consacrait presque toute son énergie à organiser au moins une fois par
semaine de somptueuses réceptions et à se rendre à celles qu’on donnait. Toute son énergie, oui, car pour réduire son
empreinte carbone, elle ne prenait ni le bus, ni tout autre moyen de locomotion
polluant pour arriver chez ses amis. Par
exemple, pour aller chez Simone Mélèze, elle adoptait une marche très spéciale
qui consistait à s’appuyer sur une jambe et la jambe fléchie à 90° ou moins, en
poussant et en se mettant sur la pointe du pied. La cuisse de la jambe libre s’élevait alors à
la vertical sous l’action de la jambe d’appel.
Rien de plus simple, d’après elle.
Elle rencontrait parfois son voisin, Jean-Paul Mes, un peu obèse de sa
personne par ailleurs. Il ne manquait
pas de se moquer d’elle, en lorgnant quand même ses cuisses et fesses
évidemment bien musclées. Jean-Paul par
contre, garde-meuble sécurisé de sa fonction, acceptait parfois de venir à une
réception organisée par Marie-Antoinette.
On le voyait alors arrivé avec un gros camion dont il sortait un lit
pliant qu’il installait au fond du salon et sur lequel il se réfugiait pour somnoler
lorsque les papotages mondains de ces dames lui suffisaient.
Marie Jo
Le
silence s’abattit sur la pièce alors que tous les visages se tournaient vers
elle. D’une voix d’une douceur incongrue
dans cette bouche carnivore, la fille dit
-
que voyez-vous Mr Marshall Clifford sous la
lamelle de votre microscope ?
-
Une bactérie étrange semble coloniser votre
cavité buccale. Son corps est vertical
et, tel un être humain, les bras sont fléchis au niveau du coude et tenus
légèrement de côté.
Melle
Carmen Marin, toujours de sa voix mielleuse, déclara sans perdre son
aplomb :
-
Effectivement, sur cette île d’Océanie, l’île
des instruments à vent où j’ai eu l’occasion de faire escale cet été, un peuple
étrange et peu connu m’a accueillie et m’a offert un repas. Je les soupçonne de m’avoir fait manger de
l’homme. Serait-ce les reliefs de ce
repas, coincés dans mon dentier mal ajusté, qui auraient proliféré ? Serais-je enceinte de la gencive ?
Mr
Marshall Clifford, après avoir ouvert des yeux ronds, se tourna vers ses
collègues tous aussi perplexes que lui.
Était-il devant un cas unique de flaviogenèse, genre de parthénogenèse découverte incidemment par Jean Marti à
Perpignan un beau jour des années 2080 ?
Odile
Justine
parvint à garder un ton à moitié badin.
Pourquoi cette espèce de vermine venait-il mettre son nez de pequenot
dans ses affaires ? Elle qui
évitait soigneusement de se faire remarquer, de parler avec ses voisins de peur
que ses mots soient interprétés, transformés.
On appelle ça le téléphone arabe…Tu parles, en Picardie ça marchait bien
aussi. Et on dirait bien que dans l’Aude
ça fonctionne à merveille également !
A peine installée dans cette vieille ferme depuis une semaine et voilà
déjà le premier enquiquineur qui rapplique ! Dès le matin en plus…10h10 à sa
pendule ! Bon, y a pire pour se
réveiller, mais c’est que Justine, elle, elle serait plutôt de la nuit, alors
ma foi, le matin, elle dort pauvrette…
Le voilà donc qui rapplique avec ses petits yeux fouineurs qui
n’oublient pas de scruter le moindre recoin de la pièce, pour finir par tomber
– et s’éterniser- dans le décolleté de Justine, mal caché par son peignoir
négligemment enfilé. Mais pourquoi elle
lui a ouvert bon sang !? Bon, il
dit s’appeler Jean-Louis Veyres et il serait agriculteur. Il produit des œufs. Au tour de Justine de le scruter avec
attention. Pas un gars de la conf
celui-là. Il a pas la tête de
l’emploi… Plutôt un de ces agriculteurs
dont elle a horreur, production massive, aucune conscience écologique, bio
connais pas… Rien à voir avec Joseph ou
François, ses amis de toujours qu’elle est venue rejoindre dans l’Aude. Quelle idée aussi ! Il l’énerve tellement ce Jean-Louis. Justine laisse sa jambe se balancer sous la table,
de plus en plus fort, de plus en plus agacée.
Ce qu’on appellerait un mouvement d’oscillation, à savoir l’activité
rythmée de la jambe libre associée aux forces de pousse. Un vrai dictionnaire cette Justine, quand
elle s’y met à faire autre choses que s’occuper de ses plantes médicinales et
cosmétiques. Non mais, il va finir par
partir le gars ?! Elle n’en peut plus. C’est comme la Paulette, Paulette Marval,
dont elle a eu la visite le jour de son entrée dans les lieux. une commère de première. Elle habite rue du Christ en plus. Tout ce qui faut pour ravir Justine qui se
revendique profondément athée. Pauvre Justine,
une arrivée en fanfare, ou presque.
Sandrine
2ème jeu : Une phrase
interrogative écrite lors du 1er jeu est relevée et va servir d’incipit. On y répond en introduisant 2 mots reçus au
hasard (des mots issus des solutions pour arriver à zéro déchet)
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope, Mr Marschall Cliffort ?
De
la brosse à dent en bambou que vous m’avez apportée, j’ai extrait un minuscule
déchet, mis sous mon microscope. Il
s’agit d’un infime morceau d’oriculi, autrement dit, ne vous déplaise, un peu
de cérumen. Notez bien que nez, gorge,
oreilles communiquent aisément chez l’être humain !
Anne
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Mr Marshall Clifford ?
Je
ne vais pas vous rabattre les oreilles avec ce mot étrange, dernière découverte
des analyses poussées concernant les sacs cabas réutilisables. Il s’agit d’un oriculi. Oriculi, élément remplaçant les horribles
phtalates des plastiques non recyclables.
Annie
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Mr Marshall Clifford ?
- Sans
nul doute, un oriculi !
- Je
vous demande pardon ?
- Un
oriculi ! J’en ai déjà rencontré,
quand je m’amuse à analyser mon environnement quotidien, le dimanche. Eh bien, voyez-vous, ils pullulent dans ma
gourde en acier inoxydable !
Sans se soucier des sourcils
arqués de son enseignant, le jeune Marshall continua dans sa barbe
clairsemée :
- Il
faut dire que le l’ai utilisée une seule fois pour une randonnée l’année
dernière et que, depuis, je n’ai plus jamais tenté de sortir de la ville. Ils ont eu le temps de se développer.
Le
professeur, de plus en plus irrité, se racla la gorge
- Je
les ai nommé « oriculi » parce qu’ils ont comme de petites oreilles,
là, sur le côté. Vous les voyez ?
Sidéré,
l’homme se massa ses sourcils broussailleux, se pinça le nez et, tournant les
talons, il grommela :
- Encore
des heures de rattrapage pour vous, Mr Clifford…
Camille
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Mr Marshall Clifford ? Je vois une foultitude de bactéries, des
pathogènes avec un superbe oriculi dévoreur de plastiques qui, hélas, peut nous
conduire à l’hôpital. Sous ma
ventilation, aspiration plutôt, et mes gants étanches de laborantin, je ne
crains rien ! Une pose et je remets
en service ma boule à thé pour une deuxième passe, histoire d’économie, et
comme elle aura trainé un peu partout, je m’amuserai à mettre des restes sur
une lamelle. Je ferai certainement de
belles découvertes !
Cécile
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Mr Marshall Clifford ?
Ҫa
dépend de la luminosité extérieure. À la
pleine lune, lorsque j’y introduis du savon solide, la lamelle réfléchi une
lumière verdâtre se mariant avec la clarté de la lune.
À la
lumière du soleil de midi, le savon se transforme et s’irise telles les plumes
de l’oriculi, celui-là même qui chante à tue-tête dans les hêtres du Plateau de
Sault.
Françoise
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Mr Marshall Clifford ?
Je
crois que c’est un oriculi, de la famille des perce-oreilles, mais invisible à
l’œil nu. Il est efficace pour la
décomposition des oreillettes, spécialité farine-sucre-orange qui se vendent
dans les fêtes de village. Ô déchets
garantis ! Au fait, Justine,
faits-moi un petit café avec ta fameuse cafetière à piston. Tu en boiras bien un avec moi ?
Marie-Jo
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Monsieur Marshall Clifford ?
Quelque
chose qui me semble bien intéressant car, dans cette molécule de soude
composant le savon de Marseille, nous allons introduire quelques oriculis
rapportés d’Amazonie par nos chercheurs en phytopharmacie. Et je pense que notre shampoing solide pourra
prendre le pas sur tous ces shampoings liquides qui nécessitent tant
d’emballages plastiques.
Odile
Que
voyez-vous sous la lamelle de votre microscope Mr Marshall Clifford ?
- Eh
bien, je vois les veinures horizontales qui composent la surface d’un oriculi
- Un
quoi ?
- Un
oriculi. Je reconnais bien là votre
ignorance notoire. Il s’agit d’un gant
très particulier que l’on porte sur l’annuaire et l’auriculaire, fabriqué dans
un matériau très fin, 100% recyclé, qui reconstitue quasiment la texture de la
peau et permet de prodiguer aux vaches, chèvres, moutons, un massage en douceur
du creux de l’oreille sans se salir les doigts, et sans douleur aucune pour
l’animal. Ah mince, je ne vois plus
rien… où est le chargeur de piles que je recharge les piles de mon
microscope !...
Sandrine
3ème
jeu : Chacun écrit sur un papier, qui ira au chapeau, LA chose qu’il ne
jettera jamais. Après, chacun choisi un
livre dans la médiathèque et en relève la dernière phrase. Elle servira d’incipit… pour le voisin. On relève une phrase en commun issue d’un
texte du jeu précédent, elle est écrite au milieu de la feuille. Nous écrivons et
les mots du chapeau sont tirés au hasard et lus à voix haute. Ils doivent être introduits dans le texte dès
qu’ils sont énoncés.
Pour
contribuer à faire du président américain un archétype de la pop culture, tour
à tour super méchant ou cliché éculé, il va falloir s’accrocher. Mais peut-être est-ce possible grâce à la
bague magique offerte par la fée des étoiles américaines, il parait qu’elle
fait de grandes choses. Lorsqu’elle met
son masque africain, le président, s’il porte la bague à ce moment-là, met
aussitôt une musique africaine sur son MP3, mais dès que la fée remet son
chemisier ajouré, le président retombe dans ses bas instincts, cliché éculé
masculin par excellence. Une fois calmé
par de la musique pop, il arrive à succomber au charme du livre de poèmes d’Achille
Chavée. Mais je ne vais pas vous rabattre
les oreilles avec tous les actes du président, quoique, outre la bague magique,
les bracelets en argent offerts à la première dame américaine sont capables de
jeter des mauvais sorts sur les décisions du président. Par exemple, lorsqu’il a décidé de mettre au
rebus la théière en fonte, tous les écolos lui sont tombés dessus en jouant de
la guitare sous sa fenêtre car la fonte pollue la planète Terre.
Anne
Faut
pas confondre le premier et le dernier.
Toute ma vie d’enfant, mes parents m’ont rabâché que les derniers seront
toujours les premiers. Ma bague
stomacale s’est tout d’un coup retournée en repensant à ces périodes
d’éducation religieuse. Je me suis
réconfortée en regardant intensément le sourire énigmatique de mon masque
africain. Ma voisine frappa à la porte,
toute pimpante avec son chemisier ajouré, toute excitée me disant :
« je ne vais pas vous rabattre les oreilles mais mon livre de poèmes
d’Achille Chavée m’a fait entrevoir un univers érotique hors du
commun ». Je lui proposais un thé
au lait, agitant mes bracelets en argent dans cette préparation pour éviter
qu’elle ne me jette un mauvais sort.
C’est sa spécialité et je la vois toujours débarquer avec anxiété. Je rempli donc ma théière en fonte du Népal
de Tchaï épicé et lui proposais de jouer un petit air sur ma guitare, pour
apaiser ses tensions. Que d’étranges
personnages sur cette planète Terre !
Annie
Et
je me plais à imaginer que peut-être, là où il est, il s’est réjoui de ce
nouvel épisode ajouté à ses aventures.
Moi, je m’en souviendrai avec nostalgie, le cœur gonflé. Oui, c’était insensé. Mais aussi tellement vivant ! Il me reste une bague de fiançailles avec ma
liberté. Jamais, je ne me laisserai emprisonner. Pas après avoir connu cela. Des peines, des difficultés, de la peur, bien
sûr nous en avons traversées. Mais comme
un masque africain, c’est initiatique.
C’est l’effrayant pour se dépasser.
L’histoire pour grandir. Je ne
vais pas vous rabattre les oreilles avec mes récits encore et encore. Je suis assise dans mon fauteuil, j’ajuste
sur mes épaules mon chemisier ajouré, le regard perdu au-delà de la fenêtre,
au-delà du présent. Contrées, vallées,
montagnes et désert défilent sous mes yeux grands ouverts. Je relis pour la millième fois mon livre de
poèmes d’Achille Chavée. La saveur en a
changé. Les mots sont imprimés sur le
papier mais ils résonnent autrement, accompagnés du tintement de mes bracelets
en argent, ceux que j’ai ramenés d’Inde.
Le rythme des vers danse avec les battements de mon cœur. Le goût des épices, l’odeur de l’humus, la
gifle du vent… Une profondeur nouvelle imbibe chaque phrase, chaque
pensée. Moi qui me voyait victime d’un
mauvais sort, enfermée dans ma routine, déprime. Incapable de faire ce qu’on attendait de
moi. Oui, c’était vrai, en quelque
sorte. Mais je n’étais pas la fautive. C’était le moule qui ne correspondait
pas. Je ne sais pas ce que je vais faire
de ma vie, maintenant qu’il est parti.
J’attrape ma théière en fonte. Un
thé japonais m’éclaircira les idées. Je
le savais qu’il ne resterait pas. Que je
ne passerais pas non plus ma vie sur les routes avec lui, sac au dos et guitare
à la main. Maintenant, il me reste à
entretenir le feu de la passion. Voyager
encore ? Peut-être, mais avec un
objectif alors. Autre que vagabonder
pour le plaisir. Une seule chose m’est
certaine : j’ai un rôle à jouer et je me sens enfin avoir une place sur ma
planète Terre. Reste à la trouver !
Camille
Le
106 bars, le millième doudou vivant a été certifié par l’office informel des
enfants crédibles. Oui, les enfants sont
toujours totalement crédibles, a-t-on besoin d’un organisme certificateur ? Une bague au doigt a-t-elle besoin d’être
liée au mariage ? Je ne crois pas,
comme si mon masque africain devait absolument être numéroté dans un musée. Il me semble que mon chemisier ajouré
pourrait aussi être répertorié au musée du vêtement car qui sait aujourd’hui
réaliser des jours ? Tous ces
répertoires sont bien ennuyeux et mon livre de poèmes d’Achille Chavée,
mentionné dans le registre de la médiathèque, ne risque pas de s’échapper ! Il est fiché, nous sommes tous
fichés ! Je ne vais pas vous
rabattre les oreilles, mais mon bracelet d’argent pourrait lui aussi faire
partie d’un inventaire historique. Si un
mauvais sort arrivait soudain, jeté par un homme horriblement mauvais, je
pourrais le réduire en miettes et le mettre à infuser dans ma théière en
fonte. Le léger dépôt qui resterait
parfumerait mes soirées où je joue de ma guitare, celle que m’avait offerte
Hugo au retour de la lune, en remettant pied sur ma planète Terre, la mienne, la
nôtre !
Cécile
Il
serait nécessaire aussi que les défenseurs d’hypothèses irréductionnistes et
les sceptiques collaborent plus pour se débarrasser des scories obscurantistes
qui empêchent que le paranormal soit pris au sérieux, particulièrement dans le
monde académique. Soyons bien conscient
que le paranormal peut tout expliquer.
Des aigreurs d’estomac qui se transforment en bruits
suspects ? C’est ma bague, en
relation direct avec les extra-terrestres, qui vous parle. La plancher qui craque ? En aucun cas cela ne relève d’incompétences
architecturales. Voyons-y plutôt la colère
du masque africain qui voudrait rentrer dans son pays d’origine. Une chasse d’eau qui s’écoule sans
fin ? Il n’y a là aucun gaspillage,
c’est certain. Un chemisier ajouré qui
s’ajoure chaque jour davantage ? Je
ne vais pas vous rabattre les oreilles avec la prétendue perversion féminine. Voyons-y plutôt un effet de la paranormalité
de la gent masculine qui ne voit la femme que comme une proie. Le paranormal émotionnel atteint son
paroxysme quand je sors mon livre de poèmes d’Achille Chavée. Mes oreilles se parent de bracelets en
argent, les sons arrivent adoucis aux tympans et les idées, aussi noires
soient-elles, atteignent le cerveau parées de beau-sens. Il faudrait un mauvais sort pour briser ce
moment d’extase poétique. Et si ma
théière en fonte venait à produire un café exécrable ? Ce serait sans doute là l’action du chat noir
du voisin qui m’empoisonne l’existence.
Si mon chien jouait de la guitare, il dirait à ce félin d’opérette
d’aller écouter des sérénades sous d’autres balcons. Et ce jour-là, la planète Terre tournerait à peu
près paranormalement.
Françoise
« Nul
ne pourra débaptiser un bateau sans s’attirer les foudres des dieux
marins » protesta le capitaine dont le bateau avait subi des avaries suite
à une bague qui avait été introduite, par mégarde, dans la coque lors de sa
construction. L’armateur principal
voulait faire débaptiser le bateau avant de le faire entrer dans un hangar,
orné de masques africains, pour le faire réparer. Cet armateur efféminé se promenait sur le quai
affublé d’un chemisier ajouré. Tout le
monde se moquait de lui et les marins ne cessaient de répéter « regardez
son chemisier ajouré ! ». Le
capitaine ne faisait que débiter des poèmes d’Achille Chavée tout en faisant
cliqueter ses bracelets en argent.
« Je ne vais pas vous rabattre les oreilles plus longtemps »
et il ferma le recueil, soudain,
immobile et muet comme si on lui avait jeté un mauvais sort. Les femmes attablées aux terrasses restèrent
perplexes et laissèrent presque tomber leur théière en fonte. Le guitariste qui déambulait de terrasse en
terrasse s’arrêta de jouer de la guitare.
On aurait dit que la planète Terre s’immobilisait.
Marie-Jo
Si
l’Indien blanc n’est pas mort, il court encore.
Court il vers une mégapole ou vers une plaine infinie et
déserte ? Grâce à la bague qu’il
porte à son auriculaire, bague équipée d’une mini balise Argos, l’Indien rouge
le suit du haut de son gratte-ciel, il ne s’agit de le perdre de vue. Même s’il porte son masque africain, blanc il
est, blanc il restera. L’Indien rouge,
après deux heures de veille sur l’écran, est remplacé par l’Indien jaune des
steppes qui arrive dans un ravissant chemisier ajouré. Sera-t-il tout aussi vigilant pour continuer
la traque de l’Indien blanc ?
Enfin, je ne vais pas vous rabattre les oreilles avec le défilé des
employés à la traque. Mon livre de poèmes
d’Achille Chavée pourrait nous donner des indices sur la course de l’homme
blanc, mais peu de gens l’ont lu. Aussi,
faisant confiance au réseau informatique, on continue ce travail de repérage. Pauvre Indien, s’il avait accepté des
bracelets en argent plutôt que cette bague équipée, il aurait peut-être subi
autre chose que ce mauvais sort. Cours,
cours, Indien blanc, avant que la mort ne te rattrape. Porte avec courage ta théière en fonte, seul
bien que tu transportes et qui te sauves des eaux croupies. Si tu avais une guitare, tu pourrais trouver
grâce auprès de certaines tribus habitant sur la planète Terre. Cours, cours homme blanc avec ta théière en
fonte.
Odile
Dans
les vals profonds qu’elles habitaient, toutes les choses étaient plus anciennes
que l’homme et leur murmure était de mystère.
Le murmure ténu du vent dans les feuillages envahissait tout l’espace et
la forêt toute entière semblait appartenir à l’éternité. Comme une bague vissée à leur doigt par une
main invisible, le chuchotement du silence les enserrait. Un visage sculpté à même le bois de la porte
aurait pu faire penser à une sorte de masque africain, mais le nez trop fin
rappelait plutôt un être du petit peuple de la forêt. Comme un lutin facétieux murmurant avec
entrain : « je ne vais pas vous rabattre les oreilles ! » Ou encore une fée au chemisier de dentelles
ajouré de fleurs délicates qui veillerait sur les deux femmes avec
bienveillance. Tout un monde végétal,
délicat autant que cruel qui me rappelait mon livre de poèmes d’Achille
Chavée. La forêt toute entière
tintinnabulait aux oreilles, comme les bracelets d’argent qui ornaient le
poignet de la plus jeune des deux femmes, animant d’une musique presqu’irréelle
le moindre de ses mouvements. Va savoir
si une sorcière indélicate avait jeté un mauvais sort, ou si au contraire, une
fée tranquille protégeait leur vie du monde des humains. Devant l’âtre, trônait une théière en fonte
fumante. Tisane médicinale ou breuvage
incongru ? Mystère… Une guitare suspendue à une branche faisait
office de tringle. Parfois, une douce
mélopée mélancolique s’en échappait, domptée par les doigts agiles de la mère
ou la fille et accompagnée d’un chant presqu’irréel. Elles étaient fières de planter chaque jour
leurs deux pieds dans la terre ferme et d’honorer de leur simple vie la planète
Terre.
Sandrine
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