05.04: provisions littéraires de Catherine de Madrid

En ces temps de confinement voici quelques munitions littéraires.
En vous espérant tous en bonne santé,

Catherine



Ma reine (2017), Jean-Baptiste Andrea – Prix du premier roman (Français) et Prix Femina des lycéens 2017

Écrit en deux mois, de manière instinctive, ce premier roman est un conte initiatique qui célèbre la beauté du monde, la liberté, les rêves. L’action se situe en Haute-Provence, l’été 1965, dans une station-service abandonnée où Shell, un gamin de 12 ans, déscolarisé, car trop différent des autres, vit avec ses parents. Pour éviter d’être placé dans une institution spécialisée, il décide de partir « à la guerre » mais va rencontrer Viviane, une jeune parisienne en vacances, du même âge et tout aussi fantasque que lui, sa Reine.

« On a fait un jeu, c'est elle qui a eu l'idée, il fallait trouver la coccinelle avec le plus de points. Au début, j'ai eu du mal, je trouvais beaucoup de points mais il n'y avait pas de coccinelle autour, et Viviane m'a appris comment chercher : d'abord la coccinelle, bien rouge et bien brillante, et seulement après les points. »



Les déracinés (2018), Catherine Bardon

Là aussi un premier roman de cette auteure qui a passé de nombreuses années en République dominicaine. Cette vaste fresque se déroule sur quarante ans (1921 à 1961) et entremêle une belle histoire d’amour et un épisode historique peu connu : l’accueil par le dictateur Trujillo, en République dominicaine, des émigrés juifs d’Europe qui fuient le nazisme. En l’occurrence, l’histoire d’Almah, jeune fille de la haute bourgeoisie viennoise aux idées modernes (elle a fait des études, est dentiste), et de Wilhelm, journaliste, tous deux très attachés à la culture viennoise de ces brillantes années. L’Anschluss, puis la montée de l’antisémitisme, les oblige à tout abandonner. On va les suivre dans leur long voyage : camp en Suisse, en France puis départ en bateau vers l’Amérique et arrivée en République dominicaine où ils vont créer avec les autres émigrés du projet Trujillo une communauté agricole, sur le modèle des kibboutz des pionniers sionistes de Palestine. La deuxième partie du roman raconte comment ce couple fait face aux défis matériels mais surtout existentiels de ce milieu hostile et tellement différent de ce qu’ils connaissaient.

Suite du roman avec L’Américaine, paru en mars 2019.



Le sang des mirabelles (2019), Camille de Peretti

Roman historique, très documenté, qui retrace la vie dans un château au Moyen Âge avec, en toile de fond, les guerres menées par les hommes, les luttes pour le pouvoir, le rôle de l’Église. L’intrigue se centre sur deux sœurs, Eléonore Salamandre et Adélaïde Abeille, en quête d’émancipation ; Eléonore, mariée au seigneur du château, découvre l’amour ardent avec un autre homme et Adélaïde étudie les plantes médicinales avec l’apothicaire juif.

« Depuis deux saisons déjà, le vieux Hibou lui avait ouvert les portes de son officine et l'avait laissée feuilleter les pages de ses livres. Elle s'y était plongée avec délice, elle avait tout dévoré. Quelques mois et tout avait changé ; la jeune fille savait désormais que le monde ne se réduisait pas à une bobine de fil et à une aiguille. »




Les 7 mariages d'Edgar et Ludmilla  (2019), Jean-Christophe Rufin

L’histoire de deux amoureux qui se marient 7 fois (et divorcent donc 6 fois). Lui est fils de mère célibataire, pauvre mais débrouillard et charmeur. Elle est Ukrainienne, un peu excentrique, et deviendra une sublime cantatrice d’opéra. Ils se rencontrent lors d’un voyage qu’Edgar réalise en URSS, à l’époque de Khrouchtchev. La première apparition de Ludmilla donne le ton au roman et à leur relation : Ludmilla est nue, réfugiée dans un arbre dans un village ukrainien et Edgar a le coup de foudre. C’est le gendre qui reconstitue le parcours de ce couple « ni avec toi, ni sans toi » depuis l’après-guerre jusqu’aux années 2000.

Disponible à la médiathèque



Le vent reprend ses tours (2019), Sylvie Germain

Par un avis de recherche collé sous un abribus, Nathan apprend que Gavril, ce saltimbanque tsigane qui autrefois, par sa fantaisie et sa poésie, avait illuminé son enfance morne et solitaire, a disparu d’un hôpital. Nathan, qui n’a jamais voyagé, décide de partir en Roumanie pour retrouver le passé de Gavril ; il y découvre les drames de la guerre et les purges de l’après-guerre. Par ce roman, l’auteur a voulu rendre hommage aux Tsiganes des pays de l’Est, qui n’ont pas de tradition écrite.

« Gavril était un grand marcheur et lecteur. Il déambulait dans la ville comme dans un livre, il la feuilletait dans tous les sens. Il considérait en effet les villes à l’égal de livres débrochés, aux pages éparses mais gravitant autour d’un axe invisible lentement dessiné par l’Histoire au fil des siècles. Certaines pages étaient sans intérêt, car non ou mal écrites, d’autres bruissaient de mémoire. Il disait qu’une ville, ça s’arpente et ça se lit, que marcher c’est lire, avec tout son corps, tous ses sens, et que lire c’est marcher, dans sa tête, dans le temps, jusqu’aux confins de soi, jusqu’aux lisières du monde. »




La femme aux cheveux roux (2016 – traduction 2019), Orhan Pamuk (Prix Nobel de Littérature 2006)

Roman philosophique, politique et allégorique où reviennent de manière obsessive deux mythes contraires qui vont marquer le destin du héros, Cem : le mythe grec d’Œdipe où le fils tue son père et épouse sa mère alors qu’il croyait échapper à ce destin qu’il connaissait et le mythe perse inversé tiré du Livre des Rois, le Shânâmeh, où Rostam le père tue involontairement Sohrâb, son fils. La première partie du roman détaille, de manière a priori anodine, l’expérience, pendant ses vacances d’été, de Cem adolescent embauché à Öngören (=prévoyance) comme apprenti d’un maître puisatier qui prend rapidement la place du père qui vient de quitter le foyer familial. En réalité, Cem va vivre deux événements-clés qui vont marquer ses choix futurs, professionnels (il va choisir d’être ingénieur géologue), sentimentaux (sa femme ressemblera à la Femme aux cheveux roux) et vont le piéger dans son destin : la rencontre de la Femme aux cheveux roux avec laquelle il a sa première expérience sexuelle et la chute accidentelle d’un seau sur le maître puisatier qui est au fond du puits et que Cem tient pour mort. En toile de fond, la situation politique en Turquie et la folie immobilière à Istanbul.  

Présentation La Grande Librairie : https://www.babelio.com/auteur/Orhan-Pamuk/2550/videos





Autres lectures :

Rue de l’Odéon (première publication 1960, rééditions 1989 et 2009), Adrienne Monnier (1892 – 1955)

Autoportrait d’une femme passionnée de littérature qui ouvre une librairie en 1915, La Maison des Amis des Livres, rue de l’Odéon. Cette fille de classe ouvrière va faire de sa librairie le centre du monde littéraire parisien. C’est une libraire « exaltée » qui conçoit sa librairie comme un lieu de rencontres entre écrivains, également un lieu de lectures publiques, d’échanges, d’expositions. Elle en fait aussi une bibliothèque de prêt.



L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes (2014), Karine Lambert – Prix Saga Café

Ces cinq femmes d’âges et d’univers différents ont renoncé aux hommes mais ceux-ci sont pourtant omniprésents dans leurs silences, leurs blessures, leurs colères. Chacune va raconter sa vie, ses frustrations et ses rêves. Puis Juliette, la nouvelle locataire qui n’a pas renoncé aux hommes arrive avec Jean-Pierre, son chat. Elle découvre la sororité, cette autre manière de vivre.



Le ParK (2010), Bruce Bégout

Ce roman glaçant sur les parcs thématiques, écrit par un philosophe, trouvera sa juste place dans la séance de science-fiction où il méritera d’être commenté à nouveau.



2 commentaires:

  1. Merci Catherine et bonjour de Marie-Noêlle
    J'ai acheté tout de suite"Le sang des mirabelles"

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  2. j'ai beaucoup aimé le livre de Pamuk, une écriture géniale !

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