le 20 juillet 2017: une rando littéraire



17 paires de jambes et d’oreilles attentives 
se sont données RDV à Aunat, 



sans vouloir tenir compte d’une météo qui n’annonçait que des mauvaises choses !


Et nous eûmes raison car très vite le ciel et les corps se sont découverts.



Une montée sous l’œil curieux des vaches Aubrac,
et un premier arrêt à l’Eglise du Pech.   
Des ruines d’église qui témoignent de l’implantation d’un village sur les hauteurs de Fontanes de Sault, habitat délaissé dans le courant des XIVème et XVème siècles.

Et c’est à l’abri du chœur que nous nous installons pour écouter Odile nous présenter un livre de Goliarda Sapienza

Goliarda Sapienza (1924-1996) est née dans une famille anarchiste sicilienne très engagée dans les luttes sociales et antifascistes.  Elle a été comédienne, assistante de réalisateurs au cinéma. 

Son œuvre romanesque, essentiellement autobiographiques, est peu diffusée de son vivant.   Elle est connue surtout pour L’art de la joie.

Une vie entre malheur et bonheur passée entièrement dans la création pour adoucir cette douleur de vivre.





« fallait-il sortir de soi pour être libre ? »


  
Son dernier roman : Rendez-vous à Positano.

Positano, petite ville sur la côte amalfitaine (sud de Naples), est un personnage à part entière du récit.  Venue pour faire y un repérage, l’héroïne du roman ne peut quitter ce lieu jugé beaucoup trop beau pour être dénaturé par le cinéma.  Une vie bouleversée et éclairée par une rencontre; une femme incroyable qui vit dans une tout aussi incroyable maison de chaux et de pierre, à l’image des âmes et des rencontres que l’on y fait. 

On assiste à la naissance d'une très profonde amitié.

« on tombe amoureux parce qu‘avec le temps on se lasse de soi-même »

Un magnifique roman avec toute la force du Sud !








Nous poursuivons la marche, toujours en montée, pour atteindre un point de vue sur la Vallée de l’Aude.



Nouvel arrêt en forêt,
  

la parole est à Evelyne et Serge pour le dernier roman de Romain Gary (1914-1980)


Les cerfs-volants     écrit en 1980

Romain Gary dira de ce roman que c’est le seul où il a vraiment réussi à écrire ce qu’il avait envie d’écrire. 

Ambroise, le « facteur timbré », fabrique des cerfs-volants qu’il n’arrête jamais de faire voler, le vol permanent symbolisant l’espoir à maintenir malgré la guerre.

Une très belle histoire d’amour entre Ludo et Lila parcourt tout le roman, "un amour pour toujours". 

« il ne faut pas se laisser faire par la réalité »

Dans ce roman, tout le monde résiste à sa façon.  Un roman à l’image du cerf-volant, le style de l’auteur et la force de l’imaginaire allégeant des situations très lourdes. 

Mais un regard sans concession.
 « Je me disais que les nazis allaient beaucoup nous manquer, que ce serait dur, sans eux, car nous n'aurions plus d'excuses. »

Beaucoup d’humour et d’espoir.
Un roman positif sans être mièvre, ce qui est un exploit !   



La prochaine étape nous mène, par un sentier caché, dans un lieu très peu connu que Margot va nous présenter : le maquis Jean Jaurès

Créé en mars 1943 par l’instituteur d’Aunat, ce lieu a servi de refuge aux jeunes hommes appelés au STO (service du travail obligatoire) et refusant de se rendre en Allemagne.

Conseiller général communiste dans le Lot et Garonne, cet instituteur a été déplacé à la campagne pour être mieux surveillé…

C’est l’occasion de parler des « listes S » créées par Vichy, une appellation que l'on réentend aujourd’hui. A l’époque, elle reprenait : « les repris de justice, les étrangers douteux, notamment les anarchistes espagnols, les communistes, les juifs suspects, les gaullistes notoires, les suspects au point de vue national »
(doc des Archives de l’Aude)



Les nuages nous ont rattrapés et la vue depuis le poste d’observation est complètement bouchée.
 

                       



Après le pique-nique, c’est à deux pas de l’ancien camps du maquis que Françoise nous parle du dernier livre d’ Eric Vuillard


Eric Vuillard, (né en 1968) publie des « récits » chez Actes Sud dans la collection « un endroit où aller »


Se plaçant toujours dans des époques historiques différentes, il met en lumière des petits détails qui donnent une perception inédite des événements.

L’Ordre du jour est paru en 2017

En 16 chapitres, l'auteur met en scène le rôle du bluff dans l’histoire en se basant sur la montée en puissance du nazisme. 


Comment en 1933, les 24 plus grands barons de l’industrie allemande ont soutenu financièrement Hitler et le parti nazi qui, à l'époque, représentait encore peu de choses. 
 Comment une armée de Panzer en panne a quand même réussi à soumettre l’Autriche.




 "On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d’effroi"

Et comment le bluff se nourrit des lâchetés et des envies de pouvoir de petits potentats.


Un récit qui met le doigt sur les intérêts que retirent des guerres les grands industriels et financiers:


« Les vingt-quatre ne s'appellent ni Schnitzler, ni Witzleben, ni Schmitt, ni Finck, ni Rosterg, ni Heubel, comme l'état civil nous incite à le croire. Ils s'appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Sous ces noms, nous les connaissons. Nous les connaissons même très bien. Ils sont là, parmi nous, entre nous. Ils sont nos voitures, nos machines à laver, nos produits d’entretien, nos radios-réveils, l’assurance de notre maison, la pile de notre montre.»

Eric Vuillard, par sa façon très originale d’aborder l’histoire, peut réconcilier les lecteurs fâchés avec les dates et les cours d’histoire « à l’ancienne ».   
Un livre vraiment remarquable !



Nous poursuivons par le Col de la Clause, lieu de passage depuis toujours. Y passe la Route Vauban allant de Narbonne à Mont Louis.

Dernier arrêt littéraire à l’Observatoire animalier dominant le Col des Aychides.

Dans une ambiance de plus en plus humide, Catherine nous présente un roman d’Ismaïl Kadaré, né en 1936 en Albanie.
Kadaré représente un cas exceptionnel d’écrivain dissident qui a pu publier ses romans à l’intérieur des frontières d'un état totalitaire complètement fermé (de 1978 à 1991). Il connait le succès à la fois en Albanie, malgré sa critique du totalitarisme,  et à l’étranger.

Avril Brisé  (1980)


Les années 30 sur les hauts plateaux du Nord.  Une région hors-état où règne le  Kanun, code féodal  basé sur la vendetta.   
Dans cette zone montagneuse aux décors de pierres grises, de pluie et de brouillard permanent, 


deux histoires parallèles :


     Celle de Bessian et Diane, en voyage de noce.  Ecrivain, Bessian étudie les coutumes ancestrales et Diane a tout à apprendre.

     Celle de Gjorg, un jeune homme qui vient de venger la mort de son frère et attend le même châtiment selon les termes du Kanun.  Il lui reste les 30 jours de trêve à vivre.

Un regard échangé entre Diane et Gjorg, un regard doux dans un monde dur, va bouleverser la vie des trois personnages.

Un roman sombre qui dénonce une coutume encore en vigueur aujourd’hui.  
Kadaré ôte la part faussement grandiose et romantique de la tradition


"vos livres, votre art, sentent tous le crime. Au lieu de faire quelque chose pour les malheureux montagnards, vous assistez à la mort, vous cherchez des motifs exaltants, vous recherchez ici de la beauté pour alimenter votre art. Vous ne voyez pas que c'est une beauté qui tue."



Une ambiance glauque…

la pluie nous a définitivement rattrapés.





C’est dans la salle de la mairie d’Aunat, sous le regard pétrifié d’un roi de la forêt, que nous partageons et apprécions le goûter.

Une journée à refaire…
 

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