un
atelier d’écriture sur l’Espagne qui joue avec les clichés et les idées toutes
faites.
Un 1er
jeu
consiste à faire deviner des mots du vocabulaire français mais tous issus de l’Espagnol. Ça va nous donner du matériel pour la suite.
2ème
jeu :
avec spontanéité, des mots sont relevés sur le principe « si je vous dis Espagne,
écrivez…
Les mots
sont redistribués au hasard à chaque écrivant.
Ils devront apparaitre dans le texte.
Un
incipit (tiré de Carmen de Prosper Mérimée) et des mots issus du 1er
jeu, les mêmes pour tous, tirés au sort au fur et à mesure de l’écriture, et à
placer dès qu’énoncés.
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Je ne
pensais pas qu’il puisse exister un lieu pareil à Salamanque. Même si Emmanuel Vals nous en a vanté les
délices que sont les chorizos en Espagne, rien ne m’avait préparé à avoir la
bouche aussi enflammée par le piment, flamenco des papilles. La neveria était vraiment bienvenue pour en
apaiser le feu. Et, merveille, sur la
petite place, un couple à la tenue jaune
éblouissante dansait un tango d’une sensualité inégalée. Mon poncho était vraiment en trop dans ce
quartier chaud de Salamanque. Une petite
faim nous amena ensuite dans une sorte de cafeteria, où le cuistot, spécialiste de la friture, nous fit
déguster des rognons de taureaux à la sauce rouge dite « sauce
camarade », une merveille absolue si ce n’est que nos papilles
s’enflammèrent une deuxième fois et nous ramena finalement au point de départ
devant une horchata glacée.
Annie D.
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. La
conversation s’était tout à coup tournée sur Zorro. En effet, j’avais
entendu dire la veille qu’il était arrivé à Grenade. « Cela parait
aussi peu probable que trouver du chorizo dans cette neveria » me dit mon
camarade. Et nous voilà parti d’un
fou-rire bon enfant. A ce moment-là,
nous entendîmes une musique de flamenco provenant de l’extérieur et nous
décidâmes de quitter ce lieu sombre pour aller profiter du soleil d’or et du spectacle de rue. Comme nous arrivions sur une petite place,
quelques danseurs de tango semblaient s’entrainer, un homme vêtu d’un poncho
faisait la sieste sur un banc. Nous déambulions ainsi à travers la ville,
parlant de ci et de ça, et nous nous arrêtâmes tout à coup devant une cafeteria
portant l’emblème d’un taureau. Servaient-ils
là des sandwichs de taureau ou
quelques autres spécialités ? Mon
camarade et moi décidèrent donc d’y entrer.
Et ce fut autour d’un délicieux burger de taureau que la soirée se
termina.
Annie W.
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Franco était là, dans la télé allumée,
droit dans ses bottes comme toujours. De
ce côté-là des Pyrénées, le chorizo
détrônait la saucisse mais le jaune
y voisinait encore avec le rouge comme en Occitanie. Le toréador
n’était pas encore installé à côté du cheval
de Galice. Cependant, au loin, les
bruits du flamenco nous parvenaient, nos pieds gesticulant, peut-être… par le
tango de la veille. La neveria empestait
l’anis et la réglisse sortis du poncho d’un mioche égaré. Dans la cafeteria voisine, les pèlerins se
restauraient sans modération de sangria et paella, délaissant les tortillas
tant prisées des camarades. J’étais bien
en Espagne.
Anouk
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Nous
soupirâmes d’aise. La seule certitude de
déguster bientôt une glace après cette escapade dans le désert rouge était en soi un délice. La discussion s’orienta sur les vautours qui volaient en cercles
au-dessus de nous lors de notre errance.
En bons touristes, nous vint à l’idée de commander du chorizo afin de
nourrir les volatiles la prochaine fois.
Après ce rafraichissement, nous reprîmes la route sous un soleil
torride, avec l’envie d’assister sur la côte à ce festival de flamenco dont
nous avions entendu parler. Ah, la fraicheur
des embruns ! C’était comme vivre à
nouveau ! Nous descendîmes sr une
crique, esquissâmes quelques pas de tango, mais les galets instables eurent tôt
fait de nous arrêter. Un pêcheur de moules, étrangement vêtu
d’un poncho, nous regardait souriant. Il
nous apprit que nous étions tout près de Cadaques,
la ville natale de Dali. Je cru rêver.
Dès lors, abandonner le diner dans une cafeteria. Nous arpenterions la ville de long en large,
explorant chaque ruelle, grignotant une tortilla, rêvassant à l’enfance de
Dali. Notre soirée fut troublée, ou
pimentée, par un groupe bruyant de jeunes gens qui s’appelaient entre eux
« camarades ». Notre espagnol
est si mauvais que nous ne saurons jamais s’ils militaient contre la corrida ou
s’ils allaient simplement à la plage.
Ces suppositions nous amusèrent, un verre de sangria à la main, le
regard perdu sur la mer. Un splendide
week-end en Espagne.
Camille
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Je ne
sais pourquoi, mais le reflet de Julio
Iglesias et d’un gros chorizo se mirent à tourner dans les reflets jaunes et orangers. En dégustant cette glace Flamenco, une
spécialité du Pic de Eurora, dans cette montagne
d’Europe où les carabiniers se
cachaient avec leurs ânes chargés de
munitions, je rêvais plutôt d’un tango chaud.
Je rêvais aussi de poncho pour passer l‘hiver en douceur, mais la glace
que je dégustais me ramenait à la réalité.
Avec mes amis, nous avions le temps et nous regardions inlassablement la
petite flamme dansante en pensant à nos autres camarades qui n’avaient pu se
joindre à nous. Nous passions un bel
après-midi dans ce décor rouge comme si Carmen venait de nous quitter. Nous étions bien.
Cécile
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Almodovar était venu à Grenade pour faire son film, il avait
besoin d’un toréador. Avant, il mangeait son chorizo avec du pain,
s’était très piquant, il voyait rouge. Il chantait et dansait le flamenco. Et puis, il sortait avec le cheval de cérémonie des belles Andalouses, olé-olé !! Et vient le tango ! Il était très classe et très fière de le
danser avec son poncho coloré et bien tricoté.
Pour se reposer, il profitait d’aller à la cafeteria du coin pour se
restaurer et se rafraichir, et puis il sortait en disant à
tous « salut camarade ! »
Christiane
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre.
Soudain, une petite lueur rouge
se répandit dans le globe. J’essayais de
me concentrer sur mon rafraichissement au chorizo, spécialité de Madrid, mais la lumière rouge
m’inquiétait. Sur un pas de flamenco,
le marchand de glace s’approcha et
nous proposa d’autres boissons. La
lumière rouge scintillait tellement maintenant que j’avais l’impression d’être
transpercé par l’œil d’un aigle
impitoyable. Et tout d’un coup, le globe
explosa ! La bougie se balançait
avec sensualité sur un air de tango.
Le serveur réapparut emballé dans un poncho, la taille et les
hanches saillantes. Tout était devenu
rouge. Je perdais pied, un morceau de
chorizo coincé dans la glotte. J’aurais
voulu fuir, loin de cette cafeteria rouge, écrasée sous les chants
entonnés avec cœur par les camarades.
Mais qu’étais-je venu faire dans ce tableau de Picasso ?
Françoise
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Nos
ombres s’y dessinaient, troublantes, dénaturées et étirées, presqu’éthérées sur
le mur de boue séchée, un tableau vivant à la Dali, de personnages perdus au milieu de la grande ville subodorée
par la jointure des pierres sous-jacentes.
Une lame coupait le chorizo en tranches.
Le sable, dans lequel était plantée la bougie, provenait sans doute de
la plazza noire, aux sables
volcaniques, et la bougie tressautait comme une vive danseuse de flamenco,
habillée d’une magnifique robe noire qui jetait parfois les éclats sanglants de
la robe d’un taureau. Les lèvres maquillées outrancièrement de rouge attiraient les nôtres pour le
rêve d’un tango sensuel de nos deux langues.
Mon voisin n’avait pas quitté son poncho : il n’était pas encore
sous l’emprise de cette danseuse, flamme chaleureuse qui faisait bondir mon
cœur. Comme ce lieu était
mystérieux ! Nous étions loin des
cafeterias sans âmes et de leurs torréfacteurs
de café inexistants ! A la fin
des notes égrenées sur cette guitare andalouse, à la fin des mots rougis de
sang de cette plainte du chanteur, la gitane vint s’asseoir langoureusement sur
mes genoux, sa robe collante de transpiration ne cachant rien ou presque de son
sublime corps palpitant. Devant les
rires et plaisanteries salaces de la salle, elle se pencha à mon oreille, comme
pour un baiser secret, et elle me chuchota le mot de passe que je n’attendais
plus : Camarade. Je me levais peu
après pour ne pas éveiller les soupçons, et j’allais au dehors où je retrouvais
mon cheval et les bâtons de dynamites cachés dans ses sacoches… Par la petite fenêtre éclairée, elle
m’envoyait d’une main gracieuse un baiser de bonne chance !
Jean-François
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. On
sentait encore l’odeur de la cire chaude emprisonnée il y a peu dans son écrin
translucide. La décoration était aux
couleurs de l’Espagne avec une dominante rouge. Les glaces étaient en grand nombre et à des
parfums hallucinants. Je me suis laissé tenter par un sorbet chorizo, ce qui a
fait sourire le garde civil qui
tenait la porte. Un son semblable à du
flamenco passait en fond sonore sur la télévision. C’était Don
Carlos qui chantait dans une arène
entouré de jeunes femmes à tête de vautour
fauve. Mes amis, rencontrés au cours
de tango où je venais de m’inscrire, ont été plus frileux et ont choisi des
parfums plus classiques. La saison
froide arrivait tout doucement, les passants portaient déjà leur poncho. Mais nous voulions encore nous sentir en été,
et la neveria nous donnait cette impression que les fortes chaleurs étaient
toujours là. La neveria, c’est un peu la
cafeteria estivale. Glaces, granités,
mais aussi sandwichs et autres snacks.
Il faut bien se « recycler » le froid venu. Mes camarades et moi adorons venir ici. On rit, on refait le monde et on oublie le
temps qui passe.
Lucie
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre.
J’avais l’eau à la bouche par cette chaleur, à l’idée de déguster une
glace, peu importe le parfum, merci !!!
Je préfère vraiment cela, à cette heure-ci, que du chorizo. Bref, mon ami commande les glaces et soudain
un cavalier surgit, tel Zorro me
semble-t-il. Mais quoi ? Non mais c’est Zorro !! Bien sûr, au loin, dans la rue de Cordoba où nous nous trouvons, j’entends
un air de flamenco. On s’approche, nos
grands cornets à la main. Elle danse,
elle danse dans le sable ocre et jaune
des arènes. Elle danse la belle et,
quand Zorro apparait, il descend de son cheval et l’emporte dans un torride
tango ! Quelle sont belles ces
arènes aujourd’hui sans taureau ni
torero en poncho !! Ma glace
dégouline, qu’on est bien ! Bien
mieux qu’aux bords d’une autoroute dans une cafeteria anonyme sans
camarade. Vive le folklore
espagnol !!
Marie-Jo
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Picasso arriva, mais lui avait son
petit carnet à croquis. Il faut que je
vous dise ma stupéfaction, mais moins que ma bouche en feu due au chorizo. Enfin, la glace m’apaisa et je vis Picasso se
pencher sur son espadrille rouge
« ouf, le cordonnier me l’a
bien recousue ! » Et là, le jeune
peintre nous montre son croquis : une espadrille… à l’envers car elle
venait de danser le flamenco. A la lueur
d’une bougie, il nous dit « vous savez où ? » Nous, éberlués, réponds
« non » Je bafouille comme si
j’avais dansé le tango avec un ours. J’attends sa réponse et Picasso, riant aux
éclats et enlevant son poncho rouge comme son espadrille, nous répond
« camarades, c’était à Toremolinos ». Depuis, ce tableau est exposé chez le
cordonnier à côté de la cafeteria.
Martine
Tout en causant, nous étions entrés dans la
neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie
renfermée dans un globe de verre. Alors
que nous refaisions le monde, un homme entra chargé d’un immense panier de
clémentines odorantes. Il se présenta
comme un arboriculteur de Malaga et
rajouta que dans cette ville le chorizo est bien meilleur qu’en Aragon.
Mon ami, qui portait une moustache aussi impressionnante que celle de Dali, se mis à trépigner comme une
danseuse de flamenco. Il vouait à
l’Aragon une admiration sans âme pour toutes ses productions. Quel affront ! Cet arboriculteur spécialiste d’agrumes
aurait un avis sur le chorizo ! Mon
moustachu d’ami vit rouge et, tel un
ours des montagnes, avança vers
l’homme aux clémentines en effectuant deux pas de tango. L’autre, son panier au bras, sentit l’orage
venir et s’enferma dans son poncho ne laissant apparaitre que ses yeux sombres
et surpris. Alors, la patronne de cette
neveria nous signifia avec fermeté que
nous pourrions aller plus loin, vers la cafeteria en face par exemple. Prenant mon camarade par l’épaule, nous
sortîmes nos cornets de glace à la main, laissant l’homme aux clémentines faire
affaire avec la faiseuse de glaces.
Odile
3ème
jeu : Chacun relève une phrase de son texte précédant. Elle est mise au chapeau.
Un texte
est lu avec 5 coupures dans la lecture.
A chacune de celle-ci, on écrit en s’inspirant de ce qui vient d’être
lu. Après, on prend un temps pour écrire
des transitions avec la consigne d’insérer une phrase tirée du chapeau et celle
que l’on avait soi-même relevé.
le texte :
un extrait de Voyage
en Espagne de
Théophile
Gautier (1859)
(nous allâmes faire la sieste) de
préférence en vous laissant bercer dans un hamac au crissement des
cigales. La chaleur va vous anéantir et vous emmener dans
des rêves de banquises et de fraicheur de fjords, même si vous avez encore dans
les yeux l’image de la lumière éblouissante qui elle, danse, danse dans le
sable ocre et jaune des arènes. Il
est inutile de résister, il vaut mieux se laisser glisser dans cet état de
non-être jusqu’à la venue du soir. Les
murmures reviennent par vagues successives et réveillent peu à peu les êtres de
la léthargie quotidienne
Les
odeurs des cuisines ouvertes, la musique flamenca et les premiers moustiques
nous obligent à sortir de notre antre immaculé. Et, merveille, sur la petite
place un couple à la tenue jaune éblouissante de soleil danse un tango d’une
sensualité inégalée.
Annie D.
La
chaleur à cette heure de la journée était intolérable. Il est en effet impossible et même dangereux
de s’adonner à quelques activités que ce soit.
Les quelques chiens errants zigzaguent sans but, hurlant à la mort
espérant obtenir d’une âme charitable quelques gouttes d’eau. L’image de l’Andalouse dansante n’existe que
dans les chansons de Brassens. Nous
étions évidemment ce jour-là de ces Français qui avaient pensé que nous pourrions
ainsi visiter la ville sans être importuné par la foule. Comme nous marchions accablés par la chaleur,
je rêvais de poncho pour passer l’hiver en douceur mais la glace que je
dégustais me ramenait à la réalité.
Résignés donc à abandonner notre visite, nous nous mires à la recherche
d’un endroit pour nous prélasser. Nous
entrions dans un parc et nous allongions sur un banc à l’ombre d’un palmier et
nous endormions rapidement. Nous
reprîmes notre visite de la ville alors qu’elle revivait à la douceur de la
soirée et profitâmes pleinement de notre visite. Nous arrivâmes devant une neveria. Servaient-ils là des sandwichs de taureau
ou quelques autres spécialités ?
Annie W.
Pour
rien au monde je n’aurais dérogé à cette coutume qui m’apporte le semblant de
repos quotidien impossible à trouver dans la nuit. Tout ceci est bien imagé, certes. Mais comment exprimer ce sentiment d’épices,
de soleil et de brûlures qui envahissent ma gorge à chaque repas ? Nous descendîmes vers une crique
esquissant quelques pas de tango, mais les galets instables eurent tôt fait de
nous arrêter. Depuis le « Tres
de Mayo », les Français ont bien mauvaise réputation. C’est parce qu’on oublie le « Dos de
Mayo » où la trahison, la délation empestaient déjà l’air des boutiques.
Franco
était là dans la télé allumée, droit dans ses bottes comme toujours. L’endormissement n’était qu’un prétexte pour
tromper le monde. Les armes circulaient
déjà, nous étions presque prêts à combattre… même si ce fut le dernier pour
beaucoup d’entre nous. Il n’y eu que
quelques gamins plus agiles qui surent esquisser les coups. Dans la chaleur de ce crépuscule, nous ne
trouvâmes pas la paix. Elle resta
suspendue au gibet comme un chat écorché qui aurait pourtant pu miauler.
Anouk.
Il
fait si chaud l’après-midi ! S’activer est mauvais pour le corps à ces
heures. Autant profiter de la fraicheur
de la nuit pour se promener, danser, visiter les rues tortueuses des villes et
villages. Désert, volcan, brûlure… il
est difficile de se détacher de ces images, de ces sensations, sous la morsure
du soleil. L’ombre, l’abri des maisons
de terre, de l’eau fraiche et du repos, languissant, sont ce qu’il faut pour y
survivre sans dommages. Il est un dicton
fort peu gracieux qui me fait beaucoup rire : « à l’heure de la
sieste, seuls les chiens et les Français sont dans la rue ». Fort peu gracieux mais assez juste. Notre culture est assez connue pour son peu
d’adaptabilité aux autres. Pourtant, les
Provençaux vivent à ce rythme. Mais les
citadins, toujours à courir à longueur de journée, ont du mal à s’y faire. C’est pourtant triste, ces rues désertes et
brulantes, à l’image d’une ville fantôme du Far-West. Alors, réfugiées sur un canapé, sous le
souffle salvateur d’un ventilateur bruyant, nous zappions d’une chaîne à
l’autre. Mais… Franco était là, dans
la télé allumée, droit dans ses bottes, comme toujours ! Dans ces cas-là, il n’y a plus qu’à ronfler
allègrement. A moins d’avoir envie de
révolution. Peut-être fomenter un coup d’État aux heures où espions et gardes civils relâchent leur attention, est-il
un meilleur parti à prendre que la nuit, heures actives dans une obscurité louche ? Après la sieste, nous marchâmes
tranquillement sur la falaise du bord de mer, gouttant les embruns. Nous descendîmes sur une crique,
esquissant quelques pas de tango, mais les galets instables eurent tôt fait de
nous arrêter. Hésitant sur une
baignade impudique, nous revînmes sur nos pas, notant de prendre des maillots
le lendemain. La ville et les parcs
s’éveillaient peu à peu, la vie reprenait ses droits avec la descente, ô
combien douce, du soleil. Les chalands
rouvraient boutique, s’éclaircissant la voix pour haranguer les passants
jusqu’au milieu de la nuit. Les
jeunes-gens se retrouvaient à l’ombre des arbres ou aux terrasses des
cafés. Les enfants couraient torse nu,
chassant les chiens dont le règne se terminait parfois douloureusement.
Camille
Les
repas étant très copieux, il faut absolument mettre son estomac au repos. Sans compter avec les piments et autres
piquant d’origine diverses qui transforment les intestins en place publique à
l’heure du flamenco. Tout est grillé,
autant dehors que dans les maisons et dans les corps. Les entrailles chauffent, les cœurs
palpitent, le sang bouillonne. Le calme
de la sieste n’est qu’apparence. La bougie se balance avec sensualité sur un
air de tango. Les échanges
extérieurs n’existent plus. Tout se
passe dans l’intimité, dans l’intériorité des corps. On peut imaginer ce qui se passera après,
quand la vie reprendra. Quand le rythme
des pas se fera à nouveau entendre, claquements sur le pavé. Se réveiller après ce long passage à
l’intérieur de soi-même, sortir de ce tête à tête envoutant où se développent
tous les fantasmes, où l’autre se découvre n’être que ce que j’ai envie qu’il
soit. Reprendre pied dans cette nation
et réveiller les camarades. Traverser la place.
Seraient-ce là des sandwichs de
taureau ou quelques autres spécialités ? Chorizo, paella, tortillas et beaucoup,
beaucoup de sangria. Tout va se mélanger
dans l’extase des corps et des estomacs.
La chaleur de la rue, des places, des pavés, la chaleur des idées, de
l’alcool et des camarades.
Françoise
... sinon,
vous tomberiez prématurément de sommeil les longues soirées venues. Et les sourires des belles Espagnoles
risqueraient d’être ceux de Morphée.
Alors, mieux valait s’abandonner à cette sieste réparatrice,
préparatrice. La nature et les hommes,
clôts dans leurs différents domaines, attendent en pure perte une ondée fraiche
et bienfaisante. Avec l’arrivée du soir,
quelques souffles de relative fraicheur nous parviennent comme dans un
rêve. C’est l’heure du rendez-vous,
bientôt, bientôt. Douche tiède, cœur qui
bat, dernier coup de peigne, poil récalcitrant des narines coupé, le nœud
papillon qui se pose sur cette chemise à la couleur immaculée, lumière
blanche. Toute la chaleur emmagasinée
dans cette après-midi de feu sera restituée dans les conversations animées des
chaudes soirées surtout si elles sont arrosées de quelques cervezas
locales. L’Espagne vivra la nuit ce
qu’elle n’aura pas vécu le jour. Et les
éventails vibreront à la lueur des bougies.
Que faire tout seul dans la chambre de son auberge ? Ecouter le chant du jet de la fontaine qui
susurre dans l’après-midi que cet amour entrevu dans la braise d’un regard sera
peut-être proche ce soir ! Attendre
et espérer la nuit complice, la nuit musicale, la nuit si douce que l’on en
boirait presque, la nuit comme un amour infini.
Sur la petite place, un couple à la tenue jaune éblouissante de
soleil dansait un tango d’une sensualité inégalée. Le soleil dardait des rayons moins mortels.
Les bêtes, éparpillées à l’ombre maigre des arbres dans les prés, rentraient
dans leurs écuries. Les chiens
s’essayaient à aboyer à nouveau. Les
cris des bergers. Derrière les volets
mi-clos, derrière ces barreaux forgés, les belles se levaient et se parfumaient
dans l’espoir d’un souffle frais à venir, la nuit tombée, la nuit
souhaitée. Ma cavalière. Elle riait de plaisir à la moindre clef de
danse, au moindre pas inattendu, plus sensuel encore. Surprise ! Ce tango argentin joué sur cette place au
parfum des orangers en fleurs. Quelle
ivresse ! Elle avait une fleur dans
ses cheveux noirs. Une fleur orange
d’hibiscus, de rose, je ne sais plus. A
la fin de la musique, à la fin des danses.
Un œillet rouge, oui. Elle se
pencha à mon oreille comme pour un baiser secret. Sa bouche, oui, deux pétales rouges, étirée, douce.
Jean-François
Une
bonne habitude que cette sieste dans les heures chaudes de la journée, surtout
après une bonne paella et un grand verre de sangria. Et puis on rêve, quelques instants, quel bonheur !!!J’ai
rêvé d’une belle qui danse, danse dans le sable ocre et jaune d’une arène. Cependant, au bout d’une semaine à Malaga, il
fait si chaud que l’on rêve presque d’être parisien, ou que ce soit l’hiver en
Arctique. On rêve d’esquimaux, d’ours polaires,
de patins à glace, pendant cette fameuse sieste. C’est pour cela que le Parigot a ouvert sa
boutique à cette heure-là. Mais, le
malin, il a eu l’idée de mettre la clim, du coup, il se fait de
l’or ! Pas bête le type ! Même si il n’est pas très gracieux. Il concurrence même le marchand de
clémentines. Du coup, mon moustachu
d’ami a vu rouge, et, tel un ours des montagnes, il s’avance vers l’homme aux
clémentines en effectuant un pas de tango pour l’amadouer. Eh là !!
Il va finir par la réveiller notre nation endormie l’après-midi. Les Parisiens, les Norvégiens ont bien des
terrasses chauffées, on pourrait climatiser les monuments. Y a du boulot, l’Espagnol, arrête de
rêver… lève-toi, il est 17h. Encore chaud ? Un peu, mais ça va aller. A l’idée du souper qui m’attend, je suis en
joie : une paella bien garnie !!
Marie Jo
La
chaleur, à trois heures de l’après-midi, est telle en plein été que nous
sombrions dans un sommeil profond. Ni
les mouches, ni les moustiques ne troublaient cette sieste. Le sommeil des siestes est souvent troublé de
songes. Pour moi, c’était souvent la
chaleur qui se matérialisait par une bougie se balançant sur un air de tango
avec sensualité. Et il fallait
attendre quasiment le coucher du soleil pour voir émerger des maisons les gens
gonflés du sommeil de cette sieste abrutissante. D’ailleurs, c’était bien la nuit venue que la
ville se remettait à vivre une fois un peu de fraicheur revenue. Avec mon ami moustachu, nous constations
qu’un certain nombre de Français étaient assez orgueilleux pour imaginer
résister à la chaleur de l’après-midi.
Et tant mieux pour les Espagnols car les Français ne font pas long feu
aux terrasses des cafés la nuit et enfin l’Espagne revient aux Espagnols ! Nous nous sentions exclus la nuit. Mon moustachu d’ami, un soir, vit rouge et
tel un ours des Pyrénées, il s’avança vers un homme qui vendait des clémentines
pour lui renvoyer son tango de l’exclusion.
Un autre problème est que, entre les grasses matinées de ce peuple de
noctambules et les après-midi de sieste obligatoires, le temps de visite des
monuments est bien court. Pour des
touristes comme nous, ce n’était pas facile.
De plus, les soupers tardifs, souvent composés de plats baignant dans
l’huile, ne nous aidaient pas à avoir des nuits reposantes. Aussi, nous ne pouvions faire dans cette
Espagne que des séjours de courte durée.
Odile
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