le 26 novembre 2018: l'Espagne


un atelier d’écriture sur l’Espagne qui joue avec les clichés et les idées toutes faites.
Un 1er jeu consiste à faire deviner des mots du vocabulaire français mais tous issus de l’Espagnol.  Ça va nous donner du matériel pour la suite.
2ème jeu : avec spontanéité, des mots sont relevés sur le principe « si je vous dis Espagne, écrivez…



Les mots sont redistribués au hasard à chaque écrivant.  Ils devront apparaitre dans le texte.

Un incipit (tiré de Carmen de Prosper Mérimée) et des mots issus du 1er jeu, les mêmes pour tous, tirés au sort au fur et à mesure de l’écriture, et à placer dès qu’énoncés.

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Je ne pensais pas qu’il puisse exister un lieu pareil à Salamanque.  Même si Emmanuel Vals nous en a vanté les délices que sont les chorizos en Espagne, rien ne m’avait préparé à avoir la bouche aussi enflammée par le piment, flamenco des papilles.  La neveria était vraiment bienvenue pour en apaiser le feu.  Et, merveille, sur la petite place, un couple à la tenue jaune éblouissante dansait un tango d’une sensualité inégalée.  Mon poncho était vraiment en trop dans ce quartier chaud de Salamanque.  Une petite faim nous amena ensuite dans une sorte de cafeteria, où le cuistot, spécialiste de la friture, nous fit déguster des rognons de taureaux à la sauce rouge dite « sauce camarade », une merveille absolue si ce n’est que nos papilles s’enflammèrent une deuxième fois et nous ramena finalement au point de départ devant une horchata glacée.

     Annie D.

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  La conversation s’était tout à coup tournée sur Zorro.  En effet, j’avais entendu dire la veille qu’il était arrivé à Grenade.  « Cela parait aussi peu probable que trouver du chorizo dans cette neveria » me dit mon camarade.  Et nous voilà parti d’un fou-rire bon enfant.  A ce moment-là, nous entendîmes une musique de flamenco provenant de l’extérieur et nous décidâmes de quitter ce lieu sombre pour aller profiter du soleil d’or et du spectacle de rue.  Comme nous arrivions sur une petite place, quelques danseurs de tango semblaient s’entrainer, un homme vêtu d’un poncho faisait la sieste sur un banc.  Nous déambulions ainsi à travers la ville, parlant de ci et de ça, et nous nous arrêtâmes tout à coup devant une cafeteria portant l’emblème d’un taureau.  Servaient-ils là des sandwichs de taureau ou quelques autres spécialités ?  Mon camarade et moi décidèrent donc d’y entrer.  Et ce fut autour d’un délicieux burger de taureau que la soirée se termina.

     Annie W.

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Franco était là, dans la télé allumée, droit dans ses bottes comme toujours.  De ce côté-là des Pyrénées, le chorizo détrônait la saucisse mais le jaune y voisinait encore avec le rouge comme en Occitanie.  Le toréador n’était pas encore installé à côté du cheval de Galice.  Cependant, au loin, les bruits du flamenco nous parvenaient, nos pieds gesticulant, peut-être… par le tango de la veille.  La neveria empestait l’anis et la réglisse sortis du poncho d’un mioche égaré.  Dans la cafeteria voisine, les pèlerins se restauraient sans modération de sangria et paella, délaissant les tortillas tant prisées des camarades.  J’étais bien en Espagne.

     Anouk

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Nous soupirâmes d’aise.  La seule certitude de déguster bientôt une glace après cette escapade dans le désert rouge était en soi un délice.  La discussion s’orienta sur les vautours qui volaient en cercles au-dessus de nous lors de notre errance.  En bons touristes, nous vint à l’idée de commander du chorizo afin de nourrir les volatiles la prochaine fois.  Après ce rafraichissement, nous reprîmes la route sous un soleil torride, avec l’envie d’assister sur la côte à ce festival de flamenco dont nous avions entendu parler.  Ah, la fraicheur des embruns !  C’était comme vivre à nouveau !  Nous descendîmes sr une crique, esquissâmes quelques pas de tango, mais les galets instables eurent tôt fait de nous arrêter.  Un pêcheur de moules, étrangement vêtu d’un poncho, nous regardait souriant.  Il nous apprit que nous étions tout près de Cadaques, la ville natale de Dali.  Je cru rêver.  Dès lors, abandonner le diner dans une cafeteria.  Nous arpenterions la ville de long en large, explorant chaque ruelle, grignotant une tortilla, rêvassant à l’enfance de Dali.  Notre soirée fut troublée, ou pimentée, par un groupe bruyant de jeunes gens qui s’appelaient entre eux « camarades ».  Notre espagnol est si mauvais que nous ne saurons jamais s’ils militaient contre la corrida ou s’ils allaient simplement à la plage.  Ces suppositions nous amusèrent, un verre de sangria à la main, le regard perdu sur la mer.  Un splendide week-end en Espagne.

     Camille

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Je ne sais pourquoi, mais le reflet de Julio Iglesias et d’un gros chorizo se mirent à tourner dans les reflets jaunes et orangers.  En dégustant cette glace Flamenco, une spécialité  du Pic de Eurora, dans cette montagne d’Europe où les carabiniers se cachaient avec leurs ânes chargés de munitions, je rêvais plutôt d’un tango chaud.  Je rêvais aussi de poncho pour passer l‘hiver en douceur, mais la glace que je dégustais me ramenait à la réalité.  Avec mes amis, nous avions le temps et nous regardions inlassablement la petite flamme dansante en pensant à nos autres camarades qui n’avaient pu se joindre à nous.  Nous passions un bel après-midi dans ce décor rouge comme si Carmen venait de nous quitter.  Nous étions bien.

     Cécile

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Almodovar était venu à Grenade pour faire son film, il avait besoin d’un toréador.  Avant, il mangeait son chorizo avec du pain, s’était très piquant, il voyait rouge.  Il chantait et dansait le flamenco.  Et puis, il sortait avec le cheval de cérémonie des belles Andalouses, olé-olé !!  Et vient le tango !  Il était très classe et très fière de le danser avec son poncho coloré et bien tricoté.  Pour se reposer, il profitait d’aller à la cafeteria du coin pour se restaurer et se rafraichir, et puis il sortait en disant à tous « salut camarade ! »

     Christiane

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Soudain, une petite lueur rouge se répandit dans le globe.  J’essayais de me concentrer sur mon rafraichissement au chorizo, spécialité de Madrid, mais la lumière rouge m’inquiétait.  Sur un pas de flamenco, le marchand de glace s’approcha et nous proposa d’autres boissons.  La lumière rouge scintillait tellement maintenant que j’avais l’impression d’être transpercé par l’œil d’un aigle impitoyable.  Et tout d’un coup, le globe explosa !  La bougie se balançait avec sensualité sur un air de tango.  Le serveur réapparut emballé dans un poncho, la taille et les hanches saillantes.  Tout était devenu rouge.  Je perdais pied, un morceau de chorizo coincé dans la glotte.  J’aurais voulu fuir, loin de cette cafeteria rouge, écrasée sous les chants entonnés avec cœur par les camarades.  Mais qu’étais-je venu faire dans ce tableau de Picasso ?

     Françoise

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Nos ombres s’y dessinaient, troublantes, dénaturées et étirées, presqu’éthérées sur le mur de boue séchée, un tableau vivant à la Dali, de personnages perdus au milieu de la grande ville subodorée par la jointure des pierres sous-jacentes.  Une lame coupait le chorizo en tranches.  Le sable, dans lequel était plantée la bougie, provenait sans doute de la plazza noire, aux sables volcaniques, et la bougie tressautait comme une vive danseuse de flamenco, habillée d’une magnifique robe noire qui jetait parfois les éclats sanglants de la robe d’un taureau.  Les lèvres maquillées outrancièrement de rouge attiraient les nôtres pour le rêve d’un tango sensuel de nos deux langues.  Mon voisin n’avait pas quitté son poncho : il n’était pas encore sous l’emprise de cette danseuse, flamme chaleureuse qui faisait bondir mon cœur.  Comme ce lieu était mystérieux !  Nous étions loin des cafeterias sans âmes et de leurs torréfacteurs de café inexistants !  A la fin des notes égrenées sur cette guitare andalouse, à la fin des mots rougis de sang de cette plainte du chanteur, la gitane vint s’asseoir langoureusement sur mes genoux, sa robe collante de transpiration ne cachant rien ou presque de son sublime corps palpitant.  Devant les rires et plaisanteries salaces de la salle, elle se pencha à mon oreille, comme pour un baiser secret, et elle me chuchota le mot de passe que je n’attendais plus : Camarade.  Je me levais peu après pour ne pas éveiller les soupçons, et j’allais au dehors où je retrouvais mon cheval et les bâtons de dynamites cachés dans ses sacoches…  Par la petite fenêtre éclairée, elle m’envoyait d’une main gracieuse un baiser de bonne chance !

     Jean-François

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  On sentait encore l’odeur de la cire chaude emprisonnée il y a peu dans son écrin translucide.  La décoration était aux couleurs de l’Espagne avec une dominante rouge.  Les glaces étaient en grand nombre et à des parfums hallucinants. Je me suis laissé tenter par un sorbet chorizo, ce qui a fait sourire le garde civil qui tenait la porte.  Un son semblable à du flamenco passait en fond sonore sur la télévision.  C’était Don Carlos qui chantait dans une arène entouré de jeunes femmes à tête de vautour fauve.  Mes amis, rencontrés au cours de tango où je venais de m’inscrire, ont été plus frileux et ont choisi des parfums plus classiques.  La saison froide arrivait tout doucement, les passants portaient déjà leur poncho.  Mais nous voulions encore nous sentir en été, et la neveria nous donnait cette impression que les fortes chaleurs étaient toujours là.  La neveria, c’est un peu la cafeteria estivale.  Glaces, granités, mais aussi sandwichs et autres snacks.  Il faut bien se « recycler » le froid venu.  Mes camarades et moi adorons venir ici.  On rit, on refait le monde et on oublie le temps qui passe.

     Lucie

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  J’avais l’eau à la bouche par cette chaleur, à l’idée de déguster une glace, peu importe le parfum, merci !!!   Je préfère vraiment cela, à cette heure-ci, que du chorizo.  Bref, mon ami commande les glaces et soudain un cavalier surgit, tel Zorro me semble-t-il.  Mais quoi ?  Non mais c’est Zorro !!  Bien sûr, au loin, dans la rue de Cordoba où nous nous trouvons, j’entends un air de flamenco.  On s’approche, nos grands cornets à la main.  Elle danse, elle danse dans le sable ocre et jaune des arènes.  Elle danse la belle et, quand Zorro apparait, il descend de son cheval et l’emporte dans un torride tango !  Quelle sont belles ces arènes aujourd’hui sans taureau ni torero en poncho !!  Ma glace dégouline, qu’on est bien !  Bien mieux qu’aux bords d’une autoroute dans une cafeteria anonyme sans camarade.  Vive le folklore espagnol !!

     Marie-Jo

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Picasso arriva, mais lui avait son petit carnet à croquis.  Il faut que je vous dise ma stupéfaction, mais moins que ma bouche en feu due au chorizo.  Enfin, la glace m’apaisa et je vis Picasso se pencher sur son espadrille rouge « ouf, le cordonnier me l’a bien recousue ! »  Et là, le jeune peintre nous montre son croquis : une espadrille… à l’envers car elle venait de danser le flamenco.  A la lueur d’une bougie, il nous dit « vous savez où ? »  Nous, éberlués, réponds « non »  Je bafouille comme si j’avais dansé le tango avec un ours.  J’attends sa réponse et Picasso, riant aux éclats et enlevant son poncho rouge comme son espadrille, nous répond « camarades, c’était à Toremolinos ».  Depuis, ce tableau est exposé chez le cordonnier à côté de la cafeteria.

     Martine

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.  Alors que nous refaisions le monde, un homme entra chargé d’un immense panier de clémentines odorantes.  Il se présenta comme un arboriculteur de Malaga et rajouta que dans cette ville le chorizo est bien meilleur qu’en Aragon.  Mon ami, qui portait une moustache aussi impressionnante que celle de Dali, se mis à trépigner comme une danseuse de flamenco.  Il vouait à l’Aragon une admiration sans âme pour toutes ses productions.  Quel affront !  Cet arboriculteur spécialiste d’agrumes aurait un avis sur le chorizo !  Mon moustachu d’ami vit rouge et, tel un ours des montagnes, avança vers l’homme aux clémentines en effectuant deux pas de tango.  L’autre, son panier au bras, sentit l’orage venir et s’enferma dans son poncho ne laissant apparaitre que ses yeux sombres et surpris.  Alors, la patronne de cette neveria nous signifia  avec fermeté que nous pourrions aller plus loin, vers la cafeteria en face par exemple.  Prenant mon camarade par l’épaule, nous sortîmes nos cornets de glace à la main, laissant l’homme aux clémentines faire affaire avec la faiseuse de glaces.

     Odile



3ème jeu : Chacun relève une phrase de son texte précédant.  Elle est mise au chapeau.

Un texte est lu avec 5 coupures dans la lecture.  A chacune de celle-ci, on écrit en s’inspirant de ce qui vient d’être lu.  Après, on prend un temps pour écrire des transitions avec la consigne d’insérer une phrase tirée du chapeau et celle que l’on avait soi-même relevé.
le texte : un extrait de Voyage en Espagne de Théophile Gautier (1859)


(nous allâmes faire la sieste) de préférence en vous laissant bercer dans un hamac au crissement des cigales.  La  chaleur va vous anéantir et vous emmener dans des rêves de banquises et de fraicheur de fjords, même si vous avez encore dans les yeux l’image de la lumière éblouissante qui elle, danse, danse dans le sable ocre et jaune des arènes.  Il est inutile de résister, il vaut mieux se laisser glisser dans cet état de non-être jusqu’à la venue du soir.  Les murmures reviennent par vagues successives et réveillent peu à peu les êtres de la léthargie quotidienne

Les odeurs des cuisines ouvertes, la musique flamenca et les premiers moustiques nous obligent à sortir de notre antre immaculé. Et, merveille, sur la petite place un couple à la tenue jaune éblouissante de soleil danse un tango d’une sensualité inégalée.

     Annie D.

La chaleur à cette heure de la journée était intolérable.  Il est en effet impossible et même dangereux de s’adonner à quelques activités que ce soit.  Les quelques chiens errants zigzaguent sans but, hurlant à la mort espérant obtenir d’une âme charitable quelques gouttes d’eau.  L’image de l’Andalouse dansante n’existe que dans les chansons de Brassens.  Nous étions évidemment ce jour-là de ces Français qui avaient pensé que nous pourrions ainsi visiter la ville sans être importuné par la foule.  Comme nous marchions accablés par la chaleur, je rêvais de poncho pour passer l’hiver en douceur mais la glace que je dégustais me ramenait à la réalité.  Résignés donc à abandonner notre visite, nous nous mires à la recherche d’un endroit pour nous prélasser.  Nous entrions dans un parc et nous allongions sur un banc à l’ombre d’un palmier et nous endormions rapidement.   Nous reprîmes notre visite de la ville alors qu’elle revivait à la douceur de la soirée et profitâmes pleinement de notre visite.  Nous arrivâmes devant une neveria.  Servaient-ils là des sandwichs de taureau ou quelques autres spécialités ?

     Annie W.



Pour rien au monde je n’aurais dérogé à cette coutume qui m’apporte le semblant de repos quotidien impossible à trouver dans la nuit.  Tout ceci est bien imagé, certes.  Mais comment exprimer ce sentiment d’épices, de soleil et de brûlures qui envahissent ma gorge à chaque repas ?  Nous descendîmes vers une crique esquissant quelques pas de tango, mais les galets instables eurent tôt fait de nous arrêter.  Depuis le « Tres de Mayo », les Français ont bien mauvaise réputation.  C’est parce qu’on oublie le « Dos de Mayo » où la trahison, la délation empestaient déjà l’air des boutiques.
Franco était là dans la télé allumée, droit dans ses bottes comme toujours.  L’endormissement n’était qu’un prétexte pour tromper le monde.  Les armes circulaient déjà, nous étions presque prêts à combattre… même si ce fut le dernier pour beaucoup d’entre nous.  Il n’y eu que quelques gamins plus agiles qui surent esquisser les coups.  Dans la chaleur de ce crépuscule, nous ne trouvâmes pas la paix.  Elle resta suspendue au gibet comme un chat écorché qui aurait pourtant pu miauler.
     Anouk.

Il fait si chaud l’après-midi ! S’activer est mauvais pour le corps à ces heures.  Autant profiter de la fraicheur de la nuit pour se promener, danser, visiter les rues tortueuses des villes et villages.  Désert, volcan, brûlure… il est difficile de se détacher de ces images, de ces sensations, sous la morsure du soleil.  L’ombre, l’abri des maisons de terre, de l’eau fraiche et du repos, languissant, sont ce qu’il faut pour y survivre sans dommages.  Il est un dicton fort peu gracieux qui me fait beaucoup rire : « à l’heure de la sieste, seuls les chiens et les Français sont dans la rue ».  Fort peu gracieux mais assez juste.  Notre culture est assez connue pour son peu d’adaptabilité aux autres.  Pourtant, les Provençaux vivent à ce rythme.  Mais les citadins, toujours à courir à longueur de journée, ont du mal à s’y faire.  C’est pourtant triste, ces rues désertes et brulantes, à l’image d’une ville fantôme du Far-West.  Alors, réfugiées sur un canapé, sous le souffle salvateur d’un ventilateur bruyant, nous zappions d’une chaîne à l’autre.  Mais… Franco était là, dans la télé allumée, droit dans ses bottes, comme toujours !  Dans ces cas-là, il n’y a plus qu’à ronfler allègrement.  A moins d’avoir envie de révolution.  Peut-être fomenter un coup d’État aux heures où espions et gardes civils relâchent leur attention, est-il un meilleur parti à prendre que la nuit, heures actives dans une obscurité louche ?  Après la sieste, nous marchâmes tranquillement sur la falaise du bord de mer, gouttant les embruns.  Nous descendîmes sur une crique, esquissant quelques pas de tango, mais les galets instables eurent tôt fait de nous arrêter.  Hésitant sur une baignade impudique, nous revînmes sur nos pas, notant de prendre des maillots le lendemain.  La ville et les parcs s’éveillaient peu à peu, la vie reprenait ses droits avec la descente, ô combien douce, du soleil.  Les chalands rouvraient boutique, s’éclaircissant la voix pour haranguer les passants jusqu’au milieu de la nuit.  Les jeunes-gens se retrouvaient à l’ombre des arbres ou aux terrasses des cafés.  Les enfants couraient torse nu, chassant les chiens dont le règne se terminait parfois douloureusement.

     Camille

Les repas étant très copieux, il faut absolument mettre son estomac au repos.  Sans compter avec les piments et autres piquant d’origine diverses qui transforment les intestins en place publique à l’heure du flamenco.  Tout est grillé, autant dehors que dans les maisons et dans les corps.  Les entrailles chauffent, les cœurs palpitent, le sang bouillonne.  Le calme de la sieste n’est qu’apparence.  La bougie se balance avec sensualité sur un air de tango.  Les échanges extérieurs n’existent plus.  Tout se passe dans l’intimité, dans l’intériorité des corps.  On peut imaginer ce qui se passera après, quand la vie reprendra.  Quand le rythme des pas se fera à nouveau entendre, claquements sur le pavé.  Se réveiller après ce long passage à l’intérieur de soi-même, sortir de ce tête à tête envoutant où se développent tous les fantasmes, où l’autre se découvre n’être que ce que j’ai envie qu’il soit.  Reprendre pied dans cette nation et réveiller les camarades. Traverser la place.  Seraient-ce là des sandwichs de taureau ou quelques autres spécialités ?  Chorizo, paella, tortillas et beaucoup, beaucoup de sangria.  Tout va se mélanger dans l’extase des corps et des estomacs.  La chaleur de la rue, des places, des pavés, la chaleur des idées, de l’alcool et des camarades.

     Françoise

... sinon, vous tomberiez prématurément de sommeil les longues soirées venues.  Et les sourires des belles Espagnoles risqueraient d’être ceux de Morphée.  Alors, mieux valait s’abandonner à cette sieste réparatrice, préparatrice.  La nature et les hommes, clôts dans leurs différents domaines, attendent en pure perte une ondée fraiche et bienfaisante.  Avec l’arrivée du soir, quelques souffles de relative fraicheur nous parviennent comme dans un rêve.  C’est l’heure du rendez-vous, bientôt, bientôt.  Douche tiède, cœur qui bat, dernier coup de peigne, poil récalcitrant des narines coupé, le nœud papillon qui se pose sur cette chemise à la couleur immaculée, lumière blanche.  Toute la chaleur emmagasinée dans cette après-midi de feu sera restituée dans les conversations animées des chaudes soirées surtout si elles sont arrosées de quelques cervezas locales.  L’Espagne vivra la nuit ce qu’elle n’aura pas vécu le jour.  Et les éventails vibreront à la lueur des bougies.  Que faire tout seul dans la chambre de son auberge ?  Ecouter le chant du jet de la fontaine qui susurre dans l’après-midi que cet amour entrevu dans la braise d’un regard sera peut-être proche ce soir !  Attendre et espérer la nuit complice, la nuit musicale, la nuit si douce que l’on en boirait presque, la nuit comme un amour infini.  Sur la petite place, un couple à la tenue jaune éblouissante de soleil dansait un tango d’une sensualité inégalée.  Le soleil dardait des rayons moins mortels. Les bêtes, éparpillées à l’ombre maigre des arbres dans les prés, rentraient dans leurs écuries.  Les chiens s’essayaient à aboyer à nouveau.  Les cris des bergers.  Derrière les volets mi-clos, derrière ces barreaux forgés, les belles se levaient et se parfumaient dans l’espoir d’un souffle frais à venir, la nuit tombée, la nuit souhaitée.  Ma cavalière.  Elle riait de plaisir à la moindre clef de danse, au moindre pas inattendu, plus sensuel encore.  Surprise !  Ce tango argentin joué sur cette place au parfum des orangers en fleurs.  Quelle ivresse !  Elle avait une fleur dans ses cheveux noirs.  Une fleur orange d’hibiscus, de rose, je ne sais plus.  A la fin de la musique, à la fin des danses.  Un œillet rouge, oui.  Elle se pencha à mon oreille comme pour un baiser secret.  Sa bouche, oui, deux pétales rouges,  étirée, douce.

     Jean-François

Une bonne habitude que cette sieste dans les heures chaudes de la journée, surtout après une bonne paella et un grand verre de sangria.  Et puis on rêve, quelques instants, quel bonheur !!!J’ai rêvé d’une belle qui danse, danse dans le sable ocre et jaune d’une arène.  Cependant, au bout d’une semaine à Malaga, il fait si chaud que l’on rêve presque d’être parisien, ou que ce soit l’hiver en Arctique.  On rêve d’esquimaux, d’ours polaires, de patins à glace, pendant cette fameuse sieste.  C’est pour cela que le Parigot a ouvert sa boutique à cette heure-là.  Mais, le malin, il a eu l’idée de mettre la clim, du coup, il se fait de l’or !  Pas bête le type !  Même si il n’est pas très gracieux.  Il concurrence même le marchand de clémentines.  Du coup, mon moustachu d’ami a vu rouge, et, tel un ours des montagnes, il s’avance vers l’homme aux clémentines en effectuant un pas de tango pour l’amadouer.  Eh là !!  Il va finir par la réveiller notre nation endormie l’après-midi.  Les Parisiens, les Norvégiens ont bien des terrasses chauffées, on pourrait climatiser les monuments.  Y a du boulot, l’Espagnol, arrête de rêver…  lève-toi, il est 17h.  Encore chaud ?  Un peu, mais ça va aller.  A l’idée du souper qui m’attend, je suis en joie : une paella bien garnie !!

     Marie Jo

La chaleur, à trois heures de l’après-midi, est telle en plein été que nous sombrions dans un sommeil profond.  Ni les mouches, ni les moustiques ne troublaient cette sieste.  Le sommeil des siestes est souvent troublé de songes.  Pour moi, c’était souvent la chaleur qui se matérialisait par une bougie se balançant sur un air de tango avec sensualité.  Et il fallait attendre quasiment le coucher du soleil pour voir émerger des maisons les gens gonflés du sommeil de cette sieste abrutissante.  D’ailleurs, c’était bien la nuit venue que la ville se remettait à vivre une fois un peu de fraicheur revenue.  Avec mon ami moustachu, nous constations qu’un certain nombre de Français étaient assez orgueilleux pour imaginer résister à la chaleur de l’après-midi.  Et tant mieux pour les Espagnols car les Français ne font pas long feu aux terrasses des cafés la nuit et enfin l’Espagne revient aux Espagnols !  Nous nous sentions exclus la nuit.  Mon moustachu d’ami, un soir, vit rouge et tel un ours des Pyrénées, il s’avança vers un homme qui vendait des clémentines pour lui renvoyer son tango de l’exclusion.  Un autre problème est que, entre les grasses matinées de ce peuple de noctambules et les après-midi de sieste obligatoires, le temps de visite des monuments est bien court.  Pour des touristes comme nous, ce n’était pas facile.  De plus, les soupers tardifs, souvent composés de plats baignant dans l’huile, ne nous aidaient pas à avoir des nuits reposantes.  Aussi, nous ne pouvions faire dans cette Espagne que des séjours de courte durée.   

     Odile

    

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