le 18 septembre 2017: ma madeleine à moi



1er jeu : à la façon de Proust.  
Chacun choisi son « véhicule à souvenir » et l’associe à l’un des 5 sens.
Les sens et les souvenirs sont échangés… la phrase reçue devenant l’incipit avec, juste en-dessous, une courte phrase de Proust.
On écrit en plaçant dans le texte une expression tirée au hasard et en lien avec le sens ET des mots, les mêmes pour tous, à placer au fur et à mesure de l’écriture.


Je sens le désert.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu.  Une étendue de sable se déployait devant moi.  J’étais hissée sur un dromadaire au nez creux.  Ses narines étaient aussi vastes que des bols à soupe comme on en utilise en Amérique.  C’était lors de vacances en Tunisie, il y a à peu près 40 ans.  J’avais 20 ans à l’époque et à Noël nous avions décidé avec quelques amis de faire un voyage.  A l’époque nous étions assez dynamiques pour affronter le désert.  Il ne fallait pas attendre que ce soit trop tard.  Donc, cette année-là, nous prîmes l’avion direction l’Afrique du Nord.  Quand, à l’horizon, se profilèrent les palmiers et que le bleu de la Méditerranée se transforma en bleu des volets tunisiens, nous savions que nous étions arrivés à destination.  Oh surprise !  En descendant de l’avion, il pleuvait et nous n’avions pas prévu de vêtements de pluie.  Heureusement, le cousin d’un d’entre nous nous attendait avec quelques parapluies.  Nous arrivâmes à son domicile dans la ville de Tunis où nous restâmes quelques jours.  Ce soir-là, après le diner, le cousin nous emmena au cinéma.  Il s’était mis sur son 31, une chemise couleur lilas sur un pantalon bleu marine et une cravate orange fluo.  Pas moyen de se perdre dans le dédale de ruelles avec un tel guide !
     Anne

Je vois un bosquet de lentisques térébinthes.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu.  Les odeurs chaudes du maquis, elles étaient enivrantes, un peu comme quand j’ai découvert, dans mon unique voyage, la Statue de la Liberté, lors de vacances de Noël en Amérique.  Tout était si sensible et je voyais la vie en rose, ancrage positif, éternel.  Ce qui est important c’est que le souvenir nous ramène à l’instant présent, auquel cas, rien n’est jamais trop tard et l’horizon est toujours lumineux, même s’il pleut.  Cela a donné lieu à une grande discussion entre cousins, l’un d’eux était terriblement déprimé, impossible pour lui de se transporter dans un souvenir agréable.  J’ai fini par l’inviter à une séance de cinéma, plutôt drôle, histoire de faire exploser les barrières de préoccupations sinistres.  Mais rien n’a eu d’impacts, même pas le merveilleux printemps que nous vivions, embaumés par les bosquets de lilas en fleur.  Je me suis dit que j’avais de la chance d’avoir un jour découvert dans mes souvenirs une richesse d’ancrages positifs, insoupçonnés.
     Annie 

Je touche la poignée de la porte.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu, malgré les cicatrices et les ampoules qui m’ont laissé avec la peau dure sur les paumes.  Je vole dans l’air, j’ai peur, je tombe vers les prairies vides et plates de l’Amérique, depuis le feu, depuis que l’arbre de Noël a tout réduit en cendres.  C’est simple, je flotte où je veux, là où l’envie me prend.  C’est jamais trop tard pour laisser le vent m’emporter, pour planer dans les rues, pour survoler les montagnes pesantes et saines qui protègent mon horizon, mon horizon proche mais aussi mon horizon lointain.  Celui de mes rêves et de mes cauchemars.  Au-delà de ces paysages, je le sais, je le sens, il pleut.  Tout ruisselle : les arbres, les buissons, les rochers, les pierres et les cailloux qui, comme de bons cousins bien élevés, se dressent autour de la rivière.  Sans bruit, silencieusement, comme dans ces films du cinéma ancien où tout bouge trop vite, où tout remue avec une frénésie inquiétante et troublante, le vent passe entre les gouttes de pluie, faisant une valse couleur de lilas blancs.
     Candy

Je sens la bêche de mon père.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu, tout plein d’images, les mottes de terre brillantes et les vers de terre, non pas ceux que l’on pouvait tirer du nez.  En Amérique, à cette époque, on travaillait avec des tracteurs et on ne pouvait pas sentir l’odeur de la glèbe, sauf si c’était en transplantant un petit sapin de Noël dans un grand pot de terre.  Maintenant, même ici sur le Plateau de Sault, c’est trop tard pour sentir l’odeur de la terre retournée puisque la machinisation nous a envahis.  On ne sent plus que l’odeur des fumées sortant des pots d’échappement, parfois si denses qu’elles nous bouchent l’horizon.  Alors, on n’a plus qu’à rêver d’avant.  Maintenant, quand il pleut et que les machines ne peuvent pas entrer dans les champs, on peut regarder le ciel toujours différent si le vent souffle fort.  Je regrette aussi ces jours-là de ne pas pouvoir retrouver mes cousins pour faire des cabanes dans les chambres comme nous le faisions dans l’appartement de la ville où ils habitaient.  Tout près de chez eux il y avait un cinéma où nous sommes allés voir Blanche Neige.  Pour moi, c’était la première fois que je rentrais dans une salle de cinéma.  J’aimais aussi les grandes journées de fête où nous nous retrouvions et construisions des cabanes sous les lilas.  Les parents n’étaient pas toujours contents, craignant que nous n’ayons pas de floraison au printemps, mais pour nous le printemps était loin.  C’est vrai que le lilas permettait de fleurir l’autel de l’église au mois de mai, « mois de Marie ».
     Colette

Je vois la ville de Loches.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu, de ce grand homme venu d’Amérique.  Il avait débarqué comme ça, un matin, de son yacht remontant la rivière.  C’était quelques jours avant Noël.  A cette époque, une joyeuse pagaille régnait en ville et il n’avait pas mis beaucoup de temps pour s’imposer.  Maintenant, c’est trop tard pour pleurer, pour se lamenter sur notre passé.  On lui a laissé prendre le pouvoir et il l’a pris.  Il faut dire que son physique enrobé, sa mèche blonde, un je ne sais quoi d’exotique avait rassuré les gens.  Son image leur sortait littéralement par les yeux.  Tous les horizons, réels et imaginaires, étaient encombrés par cet homme venu d’Amérique.  Personne ne s’était demandé ce qu’il était vraiment venu faire à Loches, mais on l’avait plébiscité. 
Maintenant il pleut, mais il est trop tard.  On ne voit plus rien de joyeux.  On voudrait renvoyer ce cousin d’Amérique là d’où il vient, mais les gens ne peuvent plus réagir, ni même réfléchir.  Il n’y a plus que du vide qui leur sort des yeux.  La réalité n’a plus rien à envier aux films les plus sombres vus jadis dans les cinémas.
Mais tiens, quel est ce bateau qui accoste au quai de la ville de Loches ?  Il arbore le pavillon coréen.  Un homme grand et costaud en sort, mais aux cheveux noirs celui-ci.  Une petite fille lui offre un bouquet de lilas
     Françoise


Je vois la forêt d’épicéas.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu, de ce film fantastique que j’avais vu enfant.  Un film américain bien évidemment.  Il m’avait choqué car dans cette immense forêt, soudain, apparu une tête pleine de cheveux.  Et au milieu de la touffe de cheveux, oui j’ai bien dit au milieu, donc derrière la tête, il y avait deux yeux !!! Ah l’horreur !!!
Ce Noël-là fut terrible pour moi.  Le personnage avait bien les yeux derrière la tête.  Devant mon cri, ma mère éteignit la télé mais c’était trop tard, dans ma tête était gravée à jamais cette image liée à une forêt d’épicéas.  Mon horizon de gamine s’arrêtait là et j’étais pétrifiée, incapable d’imaginer un être aimable avec cet aspect-là.  Il pleuvait derrière les carreaux de la maison et j’ai pleuré de ne pas avoir près de moi mon cousin adoré qui aurait su me rassurer  et faire de cet étrange personnage un être drôle, magique, féérique comme on peut voir au cinéma.  Je manquais décidément de fantaisie, d’optimisme même, pourquoi voir tout en noir ?  C’est alors que ma grand-mère déposa près de moi son cadeau de Noël à elle : une aquarelle peinte de sa main intitulée « les lilas ».  Soudain une immense douceur m’envahit.  Elle avait trouvé de quoi me réconcilier avec la fête de Noël.
     Marie-Jo


Je vois des chaussures rouges
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu, celles que j’avais portées à 15 ans, pour aller aux Amériques.  Mais à la douane, l’employé, happé par la couleur de ces souliers, se cogna sur la poignée de ma valise et un liquide jaunasse sortit par ses yeux.  Affolée, j’essayais d’appeler du secours mais tout le monde sait qu’en période de Noël le personnel des grands aéroports est en effectifs réduits et personne ne vint.  Condamnée à salir mon écharpe pour éponger cet écoulement oculaire, l’homme me dit que c’était trop tard et qu’il allait perdre la vue, il en était certain.  Je n’en revenais pas de ce diagnostic abrupt et voulu le réconforter, l’emporter vers d’autres horizons en lui louant les grands progrès de l’ophtalmologie.  Mais les yeux semblaient se vider, telle une fontaine, comme s’il pleuvait à seau.  De mon écharpe, je fis un bandeau, le lui enroulant autour de la tête.  Mais lui, violemment, l’arracha, disant que la vue de mes chaussures rouges lui était d’un grand réconfort.  Il me fit téléphoner à son cousin afin qu’il vienne le chercher.  Quand celui-ci arriva, mon douanier ne voulut partir que si je lui donnais mes souliers rouges.  Aussi, je m’en défis avec regrets, ne comprenant rien à son cinéma.  Pieds nus devant le tapis roulant de la douane, j’extirpais de ma valise mes sandales lilas et constatais avec dégout ma tenue.  Cette petite robe à pois rouges était si mignonne avec mes ballerines rouges.  Sandales lilas et robe à pois rouges, j’étais aussi moche que toutes ces amerloques au mauvais goût !  Je décidais d’en prendre mon parti et fis un selfie que j’envoyais aux copines en France avec le commentaire « me in America, very pas belle ! »
     Odile


2èm jeu : Chacun souligne 3 phrases dans son texte.  Après un subtil jeu de voisinage, chacun se retrouve avec une feuille et 3 phrases (un incipit, 1 phrase au milieu et 1 phrase de fin).
Question avant d’aller plus loin : avez-vous compris le choix des mots imposés du jeu précédent ?......Madeleine de Brel!
On va écrire en répondant à la question « pourquoi Madeleine n’est-elle pas venue ? » avec une image imposée pour faciliter l’inspiration…


Soudain apparut une tête pleine de cheveux à l’orée du bois.  Un homme en bras de chemise gesticulait et hurlait comme un possédé.  Pendant ce temps-là, Madeleine qui avait laissé Jacquot, c’est-à-dire un pauvre type qui n’aurait pas de quoi la satisfaire, l’attendre à la halte du tram, s’était rendue au rendez-vous que l’Américain lui avait proposé dans la Forêt de Soignes.  Tous les horizons, réels et imaginaires, étaient encombrés par cet homme venu d’Amérique.  Il avait fait miroiter des rêves fous dans l’esprit de Madeleine.  Elle l’avait rencontré il y a peu de temps, dans le centre de Bruxelles et elle ne faisait que penser à lui. 
Quand elle vit l’ombre du fou furieux s’approcher d’eux dans la forêt, elle prit peur pensant que Jacquot voulait se venger.  Mais il n’en était rien !  C’était Eugène de la baraque à frites qui les poursuivait parce qu’ils avaient oublié de payer.  Mais Madeleine ne savait pas qu’Eugène, lui aussi, était amoureux d’elle.  Aveuglé par la jalousie, il se rua sur eux.  « Je sais que nous sommes arrivés à destination » s’écria Eugène et il prit Madeleine dans ses bras, laissant l’Américain abasourdi et paralysé par la peur.  Eugène s’enfuit avec Madeleine et nul ne sait où ils sont allés.  Depuis, Jacquot ne mange plus de frites et n’attend plus Madeleine.
     Anne

C’est trop tard pour pleurer maintenant, pour se lamenter sur notre passé.

Les rencontres amoureuses sont légions, profiter de chacune, la savourer, la laisser s’épanouir, l’activer de deux coups d’éventail, frôler en frissonnant le bras attentif de l’autre, faire provision de toutes ces émotions si excitantes, toutes ces merveilles, ces émois ne peuvent laisser la place aux lamentations.
Madeleine le savait bien, elle qui, à l’ombre du chêne centenaire, avide des paroles de son prétendant, les joues rosies par l’émotion, se grisant du bouquet parfumé qu’il lui tendait, se disait qu’il ne fallait pas attendre qu’il soit trop tard.  Ronsard la bouleversait par des poèmes.  Fallait-il qu’elle aille encore et encore rêver auprès d’un autre ?...  Ses ambitions étaient immenses et Jacques pourrait encore l’attendre, elle n’irait pas au rendez-vous.  Et elle se dit qu’elle avait de la chance d’avoir un jour découvert dans ses souvenirs une richesse d’ancrages possibles, insoupçonnés.  Peut-être un jour lui ferait-elle partager cela, au grand Jacques…
     Annie




Je vois un bosquet de lentisques térébinthes.  Je vois aussi en noir et blanc une image floue, au bord du visible, d’une petite duchesse assise à son écritoire embelli de fleurs de lys.  Elle rêve, elle se questionne : « comment lui dire que je ne viendrai pas, malgré tout, malgré son rire que j’aime tant, malgré son honnêteté qui me sécurise.  J’ai trop peur. »  Soudain, Madeleine se dresse : « que fais-tu là ? » demande-t-elle au tout jeune-homme qui surgit derrière elle.  A sa vue, une idée folle lui vient à l’esprit. « Et si je lui donnais mes souliers rouges ? » se demanda Madeleine.  « Si Jacques avait mes chaussures, s’il pouvait les tenir dans ses mains, il saurait, il saurait que je l’aime, que je ne l’abandonne pas.  Qu’un jour, dans d’autres chaussures, j’irai le trouver… je le retrouverai n’importe où ! ».  Muni du petit sac brodé où se cachent les petites chaussures rouges, le joli jeune-homme s’en va à la recherche de Jacques patientant devant le cinéma.  Et enfin, le vent passe entre les gouttes de pluie, faisant une valse couleur de lilas.
     Candy


Un liquide jaunasse sortit par ses yeux.  Madeleine fut vraiment écœurée par les yeux de celui qui, à genoux, lui déclarait son amour.  Elle si mignonne, si délicate.  Sur le guéridon sur lequel reposait son bras, se trouvait un  flacon.  « Tiens, se dit-elle, il a beau être à mes genoux, suppliant, implorant, je ne supporterai pas ce regard, ces yeux chassieux.  Il ne m’a jamais plu, il faut que je l’éloigne de moi ! »  Elle avait heureusement prévu de le répudier et maintenant c’était le moment.  Elle ouvrit la fenêtre et versa sur lui le liquide que contenait le flacon.  L’homme disparu dans un nuage de fumée qui s’envola par la fenêtre.  Elle le vit alors.  « Au-delà de ces paysages, je le sais, je le sens, il pleut.  Peut-être cette pluie le lavera de l’amour qu’il avait pour moi, amour vraiment pas partagé.  Je suis jeune, jolie, délicate, je n’ai pas à être courtisée par un barbon.  C’est d’ailleurs ce que je disais à mes jeunes amies.  Nous avons décidé ensemble de résister aux déclarations de nos prétendants non-plaisants.  Cela c’était il y a longtemps, nous avions décidé de nous marier seulement au moment du printemps.  Mais pour nous le printemps était loin, nous sommes restées célibataires. »   Signé : Madeleine.
     Colette



« On peut regarder le ciel toujours différent, on peut s’émerveiller devant les couleurs de l’automne, on peut éventuellement s’attendrir devant une fleur, un sourire d’enfant, un gâteau au chocolat…  Mais quand ça ne veut pas, c’est que ça ne veut pas !!! »

C’est ce que pensait Madeleine en ce moment.  Pourtant, sa journée avait bien commencé.  Elle avait enfin pris la décision d’envoyer balader ce soupirant nigaud dont l’unique ambition était de lui conter fleurette devant des bacs à frites dégoulinant de gras de bœuf.  Mais en bonne fille, elle avait décidé de lui signifier la rupture de vive voix lors de ce rendez-vous qu’elle pensait bien être l’ultime rendez-vous.
Madeleine avait donc emprunté le tram 56 pour se rendre Place de Brouckère.  C’était sans compter avec l’arrivée du cousin Gaston, celui qui avait prêté des sous à son collant galant.  Cousin Gaston était dans le tram et il manigança tant et si bien qu’il attira Madeleine dans son repère malfaisant.  Son horizon de gamine s’arrêtait là.  Finies les illusions sur la vie et sur sa journée qui devait se terminer par une rupture rondement menée devant un verre de bière.  Voici Madeleine les poings liés, pendue au plafond.  A l’aide d’une plume, cousin Gaston lui grattouille la voute plantaire pour savoir où son amoureux a planqué ses économies.  Madeleine a beau répéter que toute la fortune a dû passer dans des cornets de frites, des séances de cinéma et des bouquets de lilas, Gaston est un têtu.  Madeleine est très las de ces procédés somme toute très peu courtois.  Elle en vient presque à regretter son fiancé, niais soit, mais si gentil et si amoureux…  Elle sonda son cœur et un homme grand et costaud en sorti.
     Françoise


Il n’est jamais trop tard pour laisser le vent m’emporter, pour planer dans les rues,  en espérant que Madeleine reviendra, mais Madeleine n’est jamais revenue.
Elle est restée figée devant la statue
Elle s’est mêlée aux femmes de petite vertu
Elle a préféré être de celle-là
Qui toujours danseront
Qui seront sans mari, sans maison
Et qui jamais ne se ligoteront.
Madeleine a choisi les jours de fête
Moi aussi, j’aimais les grandes journées de fête
Mais sans Madeleine pas de vrais fêtes
Je la vois assise sous la hêtraie
Autour du bassin ombragé, quelques enfants à ses pieds.
Toute sa beauté gâchée.
Le ciel pleure quand moi je rie.
Et soudain, une immense douceur m’envahit.
     Marie-Jo


Une étendue de sable se déployait devant moi, mais j’avais Madeleine à côté de moi.  J’étais comblé !  Aucun besoin de lui faire la cour en virevoltant devant ses sœurs, cousines, tantes et mères.  Nous nous étions rencontrés dans l’avion pris pour ce voyage organisé dans le grand erg.  Et, à peine assis l’un à côté de l’autre, nous sûmes que nous étions faits l’un pour l’autre.  Au bout de trois jours de rando, à la tombée de la nuit, auprès du feu allumé par notre guide sous la voute étoilée du désert, nous échangions sur ce coup de foudre réciproque.  Madeleine, d’un ton tranquille, me glissa au détour de notre conversation : « ce qui est important c’est que le souvenir nous ramène à l’instant présent, auquel cas rien n’est jamais trop tard et l’horizon est toujours lumineux. »  Moi qui étais un passionné de gravures, un peu ringardes je vous le concède, j’avais toujours imaginé qu’une rencontre amoureuse devait être orchestrée par des amis, de la famille ou des sites spécialisés.  Ni violon ni costards pour moi, ni maquillage ni mise en plis pour elle.  Seul le silence du vent, nos polaires et la fatigue de cette grande journée de marche.  Nous baignions dans un bonheur simple, oui l’horizon serait toujours lumineux.
Elle fit un selfie qu’elle envoya aux copines en France et je fis de même.
     Odile
 

 

3èm jeu : Et après…
Avec un incipit suivi de notre véhicule à souvenir du début, et des mots tirés du chapeau à placer dans le cours du texte.



Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je vois la ville de Loches.
Dans mes souvenirs, là j’étais heureux avant de rencontrer Madeleine.
Au diable les lilas, les frites chez Eugène, le cinéma.
Je retourne à Loches.
Je reprendrai la bêche de mon père,
je retournerai la terre,
je cultiverai des légumes,
j’aménagerai le jardin de mon père.
Je regarderai le fleuve,
l’eau qui coule comme coulent les heures.
Mon regard se tournera vers l’infini.
J’écrirai des chansons,
je voyagerai,
j’achèterai un bateau,
je nagerai sur le fleuve vers la mer,
je me perdrai dans le désert de l’océan jusqu’à ce que je m’échoue sur la plage d’une île paradisiaque où vivent des femmes magnifiques au regard intense et au teint basané.
J’oublierai Madeleine en saisissant la poignée de la porte d’une cabane en bambou et je me perdrai dans les bras d’une belle embaumée à la fleur d’orchidée. 
Elle viendra à ma rencontre, pieds nus, et je lui offrirai les chaussures rouges que Madeleine n’a jamais voulu porter.
     Anne


Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je vois le désert immense qui s’ouvre sous mes pieds, solitude terrible.
Je n’ai plus qu’à reprendre le chemin de mon village près de la ville de Loches.
Saisir la bêche de mon père et m’épuiser dans le travail de la terre.  Regarder pousser les navets et les carottes et faire disparaitre le visage de Madeleine dans les sillons.
Peut-être vaut-il mieux m’expatrier dans le désert du Sahara, là où rien ne pousse, là où le visage de Madeleine disparaîtra avec l’harmattan dans les nuages de sable piquant.
Quelle poignée de porte s’ouvrira sur l’espoir ?... un autre amour aux chaussures rouges et aux délicats petits pieds.
Au diable les lilas !
     Annie


Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je les vois les chaussures rouges,
ces chaussures que Madeleine ne porte pas.
Je la vois la bêche, la bêche de mon père,
mon père qui ne reviendra pas.
Pas ici, pas à Loches, pas là-bas.
Simplement, elle ne reviendra pas.
Pour moi, maintenant, le vide.
Pour moi, maintenant, le désert, le sable sec, le sable chaud qui mène de dune en dune.
Qui mène à la porte avec la poignée usée derrière laquelle se cachent les chaussures rouges du futur
     Candy

Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je vois la poignée de la porte
C’est bien là que j’aurais voulu emmener Madeleine. 
Je ne pourrais même pas lui offrir un jardin où planter des lilas avec la bêche de mon père.  J’aurais tant aimé la couvrir de fleurs.
Je l’aurais emmenée en voyage hors de Bruxelles, dans les Châteaux de la Loire, dans la ville de Loches.  Nous aurions bu du vin des coteaux et nous aurions flâné sur le bord des rivières.
Ah Madeleine !  Que j’aurais aimé tout cela.
Je suis maintenant dans un grand désert, plus de Madeleine.
Peut-être rencontrerais-je là-bas une belle bédouine nommée Leïla la nuit ou Mora la fleur ou Djamila la belle…
De ce pas, je vais aller chercher un billet pour Tamanrasset.  La poignée de la porte de l’agence représente un chameau avec un bassour.  C’est pas croyable, on connaissait donc le but de mon voyage.  J’ai toujours rêvé de courir les déserts, de faire des veillées autour du feu avec des bédouins.  J’imagine une danseuse couverte de voiles de couleurs chatoyantes, de colliers étincelants, chaussée de chaussures rouges.
     Colette


Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je sens la forêt d’épicéas et je pense aux jours anciens où j’étais heureux loin des femmes qui jouent avec mon cœur.
Je courais comme un fou, me cachant d’arbres en arbres, fuyant la bêche de mon père et le travail pénible qu’elle supposait.
Puis, ce fut l’internat à la ville de Loches.  Ma quiétude de garçon innocent était terminée : j’approchais des filles pour la première fois.
Chaque jour je fus amoureux : chaque matin ce fut le grand amour, chaque soir ce fut les larmes.
Un nouveau sourire… mon cœur ne restait jamais longtemps dans le désert.
Puis, ce fut Madeleine.  Elle était là, unique.
Elle avait verrouillé de l’intérieur la poignée de la porte de mon cœur !
Petit cœur d’artichaut, tout mou, tout frit qui pleure sur ce trottoir de Bruxelles.
Mais, qu’entends-je ???  Ce cliquetis de talon… ces chaussures rouges
Candy !!!  Ah mon cœur, pourquoi t’emballes-tu ?
     Françoise



Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas

Je la vois, la bêche de mon père
Ce souvenir m’exaspère
Il attise ma colère
Et je deviens très amer

Cette bêche de mon père
Elle s’enfonce dans la terre
Elle déterre tous les lilas
Et puis moi je reste là

Je partirai loin d’ici
Surement dans la ville de Loches
De toute façon tout est moche
Sans Madeleine tout est fini

C’est le désert dans ma vie
Puisque Madeleine est partie
Dans ma tête il n’y a plus rien
J’arracherai tous les lilas

La poignée de la porte est là
Elle me tend vraiment les bras
J’y vais, j’y vais pas
Si, je vais me pointer là-bas

Mais les chaussures rouges sont là
Dans le placard tout en bas
Ah Madeleine ! t’es toujours là !
Dans mon petit cœur à moi !
     Marie-Jo



Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je sens le bouquet de térébinthe
Et me voilà à moitié de ma peine.
La ville de Loches est sous l’orage
Et moi, j’enrage.
Je l’ai perdue, ma Madeleine,
et c’est le désert dans ma vie.
En trouverais-je des Madeleine au-delà de cet horizon de pluie ?
Partir au bout du Val de Loire, est-ce de cela dont j’ai envie ?
Ses souliers rouges me reviennent en rêve
Et des souvenirs encore plus la nuit.
La poignée de la porte, saurais-je la saisir pour quitter ce lieu qui fut un paradis ?
Madeleine, tes chaussures rouges ont laissé à jamais une emprunte dans mon cœur.
Le sauras-tu un jour,
ma petite fleur de lilas ?
     Odile

 
 


 


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