CHAP. 15 à 20

 

CHAP. XV.

Vendredi, 19 juin, Carcassonne.

Dubois était en route pour parler à Marie Veestraeten, la fille du maraîcher. Il l'avait eu au téléphone la veille. Au début elle disait n'avoir aucune envie de parler de cette histoire, que de toute façon elle n'en savait rien, mais finalement elle avait accepté de le recevoir.

Jérôme réussit à se garer à une cinquantaine de mètres de la maison de Marie. Il se trouvait dans une des rues dans le quartier derrière la gare. L’endroit était moche et déprimant : une rue étroite, sombre, sale, sans verdure. Beaucoup de maisons fermées, sans âme.

La jeune femme habitait numéro vingt-sept. Jérôme approcha sur le trottoir en face et observa la maison. Il fut étonné : c'était comme si cette maison n'avait pas sa place dans cette rue, tellement elle était propre. Porte, fenêtres et volets repeints, la façade rafraîchie. La partie habitation était étroite, par contre il y avait à côté un grand garage avec porte en bois.

Jérôme traversa la rue et sonna...

C'était évidant que la jeune femme qui ouvrait la porte était Marie Veestraeten, tellement elle ressemblait à sa mère. Des cheveux châtains jusqu'aux épaules entouraient un visage rond, ouvert, aux yeux marron, des lèvres sensuelles. Elle portait un jean délavé et un T-shirt rouge. Une jeune femme pétillante !

Jérôme se présenta et elle l'invita à entrer. Ils se trouvèrent dans un petit couloir ou plutôt vestibule, avec portemanteau, miroir et commode contre le mur. A gauche un escalier montait à l'étage et à droite une porte donnait sur le séjour. Le lieutenant entra dans une pièce étroite mais assez longue. Trois fauteuils et une table basse formaient un salon. Un buffet séparait le salon de la salle à manger, où se trouvait une table avec quatre chaises autour. Une cuisine ouverte se trouvait à gauche. L'ensemble était propre, sobre, mais très chaleureux. A travers la fenêtre au fond, Jérôme vit un jardin bien entretenu et étonnamment grand pour le centre-ville.

'Asseyez-vous, lieutenant.'... Marie lui indiqua les fauteuils. 'J'ai fait une tisane. Vous en voulez une ?’

'Oui, merci.' Dubois prit place, Marie servit la tisane.

'Lieutenant, je ne comprend toujours pas pourquoi vous voulez me parler de cette affaire...'

'Je m'en doute bien, mais c'est que dans nos recherches, votre nom est apparu. C'est pour ça que je suis là. Mais ne vous inquiétez pas, c'est une simple formalité. Vous aviez sept ans à l'époque. De quoi vous vous souvenez ?’

'J'ai des souvenirs d'être très proche de mon père, très attachée à lui. Et un jour, il y avait dans notre maison beaucoup d'hommes habillés comme vous... maman pleurait et me disait que mon papa n'était plus là... je n'y comprenait rien... Ce n'est qu'une fois adolescente que je me suis réalisée ce qui c'était réellement passé ce jour-là...'

'Quel effet ça vous a fait ?’

'Colère surtout, je pense... Je le sentait comme une affreuse injustice : tuer quelqu'un et rester libre... Je ne pouvais pas comprendre. J'étais une ado difficile  : colère, révolte, sauts d'humeur... Cela a du être une période très compliquée pour ma mère.'

'Et maintenant ?’

'Ca va bien. Je trouve que j'ai beaucoup de chance de pouvoir vivre de mes créations, c'est ma passion, je travaille à domicile, je suis indépendante... que du bonheur.' Elle sourit.

'Je vous crois bien. Autre chose, est-ce que vous connaissez les victimes ?’

'Lieutenant, j'ai comme développé une allergie aux chasseurs !' elle rigola... 'Je ne les supporte pas... J'ai vue des hommes, timides dans la semaine, se transformer en horripilants connards le week-end, déguisés en soldats dans leur habilles de combat, se croire tout permis, transformer nos forêts en zone de tir, terroriser les habitants... A croire que c'est que ça qui les fait bander. Pour ne plus les croiser je suis venue habiter en centre-ville. Alors me demander si je les connais... Et si quelqu'un s'amuse maintenant à les éradiquer, tant mieux !' Son visage était devenu rouge de colère et sa voix trembla en prononçant ces derniers mots.

Pour changer vite le sujet de conversation, Jérôme lui demanda : 'Est-ce que vous êtes toujours restée dans la région ?’

'Non, pas du tout. Après le lycée je voudrais étudier art et création. Je suis montée à Paris, très contente de quitter ce pays. J'ai rencontré une créatrice de bijoux, une dinandière. Elle mélange chaudronnerie, bijouterie et pierres précieuses. Elle m'a accepté comme apprentie. Une femme extraordinaire  : gentille et patiente. Une passionnée qui m'a énormément aidé. Je suis restée cinq ans avec elle. Cela fait que quatre ans que j'habite ici.'

'Cette maison est agréable et très chaleureuse.'

'Merci lieutenant. Je l'ai trouvé par hasard, si ça existe... C'est en viager. Le propriétaire est un monsieur trop sympa, qui a quatre-vingt-douze ans. Je paye un petit loyer et j'ai pu transformer le garage à côté en atelier. Le quartier est très calme, la nuit on a du mal a croire qu'on se trouve en centre-ville. Par contre beaucoup de maison sont abandonnées et ne pas entretenues.'

'Vous vivez seule  ? Pas de relation ?’

'Non, pas pour l'instant. Pas que je ne veux pas, mais je n'ai pas encore rencontré le bon..', elle sourit.

'Bon ok, mademoiselle, c'est tout pour l'instant. Merci de m'avoir accueilli.

Jérôme se leva, elle le guida vers la porte et ils se dirent au revoir. Il regagna sa voiture et resta assis, à réfléchir sur Marie  : une jeune femme bien, épanouie dans ses créations, mais qui a été bien perturbée par ce drame d'enfance. Jérôme avait remarqué une certaine haine envers les chasseurs. Suffisamment pour tuer ? Voilà la question... Non, il avait du mal à y croire.

Il regarda sa montre. Onze heures déjà ! Il démarra et rentra à la gendarmerie.

 

CHAP. XVI.

Mardi, 23 juin, Belcaire.

Après avoir eu la pluie pendant quatre jours et une chute de température jusqu'à douze degrés, ce mardi le vent s'était levé. C'était peut-être bon signe. Les rafales poussaient les nuages et le soleil se forçait de revenir. La météo annonçait une remontée de température pour le lendemain.

Jérôme Dubois voudrait de nouveau faire une réunion avec toute l'équipe de Belcaire. Il aimait venir ici, parce qu'il préférait le calme. A la gendarmerie de Carcassonne il y avait tout simplement trop de monde. Et aussi parce qu'il appréciait bien Rosenblum et Lebrun.

L'équipe s'installa autour de la table : 'J'ai voulu faire cette réunion', commença Jérôme, 'pour rassembler toutes les données que nous avons sur les meurtres du Plateau de Sault. Tous les résultats des analyses des relevés sur les victimes et les scènes de crime sont connus. C'est plutôt pauvre, rien du tout sur les scènes du crime elles-mêmes, sur les victimes pas grand chose non plus. Sur la première victime, Calvel, le labo a trouvé des traces d'aluminium autour de la blessure. Il existe des flèches en aluminium, mais aussi des pics à glace. Mais pour moi la thèse d'une flèche reste ouverte. Cela explique l'absence de traces autour des victimes. Nous sommes aussi certain que c'est le même tueur'.

'J'ai aussi eu un entretien avec la mère et la fille Veestraeten-Debrabander... La mère, Nicole Debrabander, a refait sa vie : elle a un nouveau compagnon et donne l'impression d'être heureuse. Je la vois mal comme tueuse... Son fils, Marcel Veestraeten, fait son Tour de France comme compagnon chaudronnier et passe cette année dans la ville de St. Etienne... La dernière fois qu'il est venu voir sa mère était à Pâques. Reste la fille : Marie. Elle a beaucoup souffert de la perte de son père et a gardé une bonne dose de haine envers les chasseurs et, ne voulant plus les rencontrer, elle est allée vivre en ville. Elle est heureusement passionnée par son métier de bijoutier....'

Lebrun continua : 'J'ai contacté les clubs de tir à l'arc dans l'Aude, comme vous m'avez demandé, enfin ceux que j'ai trouvé dans l'annuaire. Aucun n'a une Marie Veestraeten ou Nicole Debrabander comme membre.'

'Je m'en doutait bien adjudant. Merci pour l'effort. Quelqu'un a donné suite à l'appel à témoin ?'

Rosenblum répondit : 'Non, personne, mais cela ne m'étonne pas. Les gens ne sont pas du tout observateurs... On ne prête pas attention à une voiture garée sur un parking ou à quelqu'un qui se promène. Et... on ne veut pas intervenir dans les affaires des autres.'

Elle poursuivit : 'Je me demande comment le tueur était au courant des vas et viens des victimes  ? Il existe tellement de sentier de promenade par ici. Comment il pouvait savoir qui se promenait sur tel sentier, à telle date et à telle heure ? Surtout parce que nous pensons qu'il ne sont pas venus ensemble dans la même voiture.'

Lebrun essaya de répondre : 'Je pense que le tueur, il ou elle, devait connaître les victimes ou être d'une manière ou autre en contact avec eux. Peut-être qu'il les observait ou espionnait.'

'Il ou elle vous dites ?', questionna Dubois, 'donc vous êtes aussi de l'avis que ça peut être une femme  ?'

'Au début non, mais si on accepte la thèse d'une flèche, oui. Quand j'ai contacté les clubs de tir, j'ai eu une femme très sympathique au téléphone. Elle m'a beaucoup instruit sur le tir à l'arc. Selon elle un tireur entraîné peut facilement atteindre une cible à soixante mètres, peut importe si c'est un homme ou une femme. Ce qui compte c'est avoir suffisamment du sang froid ou de la haine, quand il s'agit d'un être humain.'

Un silence s'installa. Personne ne savait plus quoi dire... l'impasse était bien là.

Après un moment de réflexion Dubois reprit la parole : 'Je pense que nous allons arrêter là par manque de données. Cette après-midi je vais en informer le procureur et je verrai bien ce qu'il décidera. En tout cas, merci à vous deux pour votre aide et soutien.'

 

CHAP. XVII.

Mardi, 23 juin, après-midi.

'C'est la première fois de ma carrière que je me trouve devant l'échec... Tôt ou tard ça devait arriver... même Hervé me le disait souvent : méfie-toi, un jour tu te trouveras en face d'un tueur malin, qui va te faire douter et te remettra à ta place...' Jérôme soupira, il se sentit las... 'Allez, en route !' Il démarra, quitta le parking et tourna à droite direction Quillan.

Le toit bleu de la Maison de la Montagne à Rocquefeuil lui sauta à l'oeil... une banderole devant le bâtiment annonçait 'Exposition photos du Plateau de Sault'. Sur un reflex, Jérôme quitta la route et se gara... 'J'ai besoin d'un moment de détente.'

Il savait très bien que c'était une simple excuse pour repousser son échec.

Il entra dans le bâtiment ou une pancarte 'expo photos' lui indiquait le chemin. Il passa devant l'accueil, monta l'escalier et arriva dans une salle. Il constata qu'on avait créé des îlots avec des cloisons... les photos y étaient accrochées par thème. Il le trouva bien réussi. Un couple parla avec un homme. Jérôme les dit bonjour et s'intéressa ensuite aux photos. Le premier îlots représentait le coin 'nature' : fleurs, arbres, faune, paysages. Les photos étaient d'une beauté extraordinaire. La diversité des fleurs au Plateau de Sault était impressionnante. Jérôme fut captivé.

Le couple partit. L'homme, le photographe sûrement, prit place devant un ordinateur et commença à pianoter le clavier. Des photos apparurent sur un écran plat.

Le lieutenant continua tranquillement sa visite. Le dernier îlot représentait des photos des villages du Plateau, des prises aériennes, des églises et anciens bâtiments. Jérôme observa les photos des villages vus du ciel. Ils y étaient tous. Il reconnut Belcaire, Roquefeuil et Belvis. Et les villages du Petit Plateau : Bessède-de-Sault, très beau d'ailleurs, vu du ciel on voyait ce village perché sur une colline entourée des forêts et falaises. Aunat ensuite, Galinagues, Munes et Rodome. Jérôme regarda les bâtiments, les fontaines et les églises.

Tout d'un coup il se figea : il y avait quelque chose qui l'intriguait... mais quoi  ??

Il recula doucement en observant les photos... D'abord les bâtiments, non, rien là-dessus... Les villages alors : Rodome... Il s'arrêta. Pourquoi cette photo l'intriguait à ce point ? Rien de spécial pourtant à la première vue : le village vu du ciel baignait au soleil. Jérôme ne sut même pas dire où se trouvait le nord ou le sud. Il ne connaissait pas suffisamment le village.

Il se concentra plus. Au coin inférieur droit de la photo était marqué une date : trente mai. Jérôme réfléchit sur cette date et tout d'un coup ça fit 'tilt'.

'Trente mai... trente mai !', murmura-il. Il prit son petit calepin dans sa poche et le feuilleta.... 'Voilà, trouvé !', il jubila. 'Trente mai, mort de Jacques Guyot sur Jean Blanc.'

Il observa de nouveau la photo... il y vit un chemin de terre traverser les champs en direction du village. On dirait qu'une voiture y était garée, mais c'était très flou. Le village était centré et pas l'avant-plan. Jérôme se voyait de nouveau en haut de Jean Blanc. Mais il faisait ce jour-là un temps épouvantable. Ils étaient dans les nuages et ils ne pouvaient pas voir le village.

Restait le photographe, il pouvait savoir.

Jérôme se présenta : 'Bonjour monsieur, je suis lieutenant Jérôme Dubois. Vous êtes bien le photographe ?’

'Oui lieutenant, Thierry Gentil.' Le photographe était plutôt petit, la soixantaine, lunettes rondes sur un visage rouge et souriant.

'Je voudrais vous poser quelques questions sur une photo du village de Rodome.'

'Allez-y, je vous suis !' Ils prirent place devant la photo.

'D'abord je dois vous dire qu'elles sont magnifiques vos photos ! Vous les prenez d'un hélicoptère ?’

'Non lieutenant, je suis l'heureux propriétaire d'un ULM. Je survole les villages et je prends mes photos. Ainsi je suis totalement indépendant et les frais sont minimes, parce que louer un hélicoptère est hors prix. Mais maintenant il existe des drones. Elles sont équipées d'une caméra et on les guide avec la tablette. On voit tout de suite ce qu'on filme. Tous les photographes s'y mettent, mais moi je ne veux plus investir. Je viens de prendre ma retraite et je suis très content.'

'Cette photo de Rodome, elle est prise d'où  ? Je veux dire, vous vous trouviez où ?’

'C'est une prise du village côté ouest, donc si vous voulez en venant de la vallée du Rébenty on traverse le village et on continue vers Aunat. La route est là …', il l'indiqua en bas à droite sur la photo.

'Donc vous survoliez Jean Blanc au moment de la prise ?’

'Oui, c'est ça, oui.', il regarda le lieutenant, 'je suis étonné que vous connaissez ce lieu  ?! Pourquoi ces questions sur une photo d'un village ?’

'J'enquête sur les meurtres du Plateau de Sault, vous en avez certainement entendu parler ?’

Le photographe acquiesça.

'Cette photo peut être importante. La date trente mai, c'est bien de cette année ?’

'Oui, bien sûr.'

'La promenade du Tour de Picou, ça vous dit quelque chose ?’

'Oui, oui, le boucle Galinagues, Rodome, Munes, Caillens. Ah c'est vrai, le chemin passe en haut du Jean Blanc.', il regarda attentivement la photo, 'On ne le voit pas, mais le chemin descend en direction de Rodome, par là environ.', il posa son doigt en bas sur la photo, 'et à cet endroit là, où est garée une voiture on dirait, on peut soit aller à Rodome en suivant ce chemin, soit tourner à gauche, contourner la colline direction Munes.'

Les deux hommes étudièrent la photo, chacun dans ses pensées.

'Désolé lieutenant, l'avant-plan est flou. J'ai évidemment centré le village.'

'Oui, je comprends. Auriez-vous une copie ou un négatif de cette photo ?’

Le photographe rigola, ses yeux brillèrent : 'Nous sommes bien au vingt-et-unième siècle, même ici au Pays de Sault, tout est numérique maintenant.', il sortit son smartphone de sa poche. 'Attendez que je trouve...', il fit passer des dizaines de photos pour finalement tomber sur la bonne. 'Voilà, j'y suis. Si vous me donnez votre numéro de portable, je vous l'envoie.'

Deux minutes plus tard c'était fait.

'Merci pour votre aide.', Jérôme donna la main au photographe, 'et encore une fois : bravo  !'

'De rien lieutenant. Si une de mes photos pourrait résoudre l'enquête, ce serait trop d'honneur pour moi. Bonne chance !’

De retour dans sa voiture, Jérôme envoya d'abord la photo à l'adjudant Belôch, puis il l'appela. L'adjudant décrocha tout de suite...

'Bonjour Belôch, c'est Dubois  !'

'Bonjour. Alors lieutenant encore un cadavre ?', il rigola.

'Très drôle, adjudant, mais non. C'est décevant, je sais, mais je vous appelle pour autre chose. Est-ce que vous avez reçu une photo ?’

'Oui, je l'ai. Alors vous préparez vos vacances en montagne ?’

'Vous êtes très en forme, adjudant !', Jérôme rit, 'Mais encore une fois  : non. Cette photo pourrait être importante pour l'enquête. On voit en bas, presque au milieu, une voiture garée. Vous y êtes ?’

'Oui, mais c'est très flou !’

'En effet. Le photographe a centré sur le village. Ma question : est-ce que vous pouvez me trouver la marque et la plaque de cette voiture  ? Je suppose que vous avez l'équipement pour le faire.'

'Nous avons effectivement l'équipement, mais sachez que c'est quand même très flou, donc je vais essayer... Je suppose que c'est urgent ?’

'Oui, il me le faut pour hier.', Jérôme pouffa.

'Mais oui, tout à fait. Nous sommes un peu débordé en ce moment avec les indices d'un braquage. Je ferai de mon mieux et je vous rappellerai ce soir même. Ca risque d'être tard.'

'Merci Belôch et à plus !’

Jérôme raccrocha. Il regarda l'heure : l'après-midi était déjà bien avancé... 'Et maintenant, j'attends.', il soupira. Il savait bien qu'il fallait avoir beaucoup de patience dans une enquête et en plus il mit maintenant tout son espoir sur une photo... 'Bon, j'attends l'appel de Belôch et le procureur peut attendre aussi. Allez au bureau...'

Au moment qu'il voulait démarrer, son portable sonna.

'Dubois, vous êtes où ?’

'Bonjour capitaine. Je suis au Plateau de Sault, mais je voudrais justement rentrer.'

'Faites Dubois, je vous attends dans mon bureau.'

Avant que Jérôme ait pu répondre, son supérieur avait déjà raccroché. Perplexe le lieutenant regarda son téléphone... 'Qu'est-ce qu'il me veut encore celui-là  ? A vos ordres, capitaine, j'arrive!' Il fit le geste de salut avec sa main contre sa tempe. Il sourit, démarra et quitta le parking.

 

CHAP. XVIII.

Mardi, 23 juin, après-midi, Carcassonne.

Vers dix-sept heures, Jérôme se gara sur le parking de la gendarmerie. Il prit ses affaires et entra le bâtiment. Arrivé dans son bureau, il mit un peu d'ordre dans ses papiers. Après il alla aux toilettes, se lava les mains et passa de l'eau froide sur son visage. Il s'observa dans le miroir : tout était soigné... 'Maintenant, je suis à vous mon capitaine !’

Une minute plus tard il frappa à la porte de son supérieur...

'Entrez !’

Jérôme obéit

'Ah Dubois ! Asseyez-vous !', il indiqua une des chaises devant son bureau. 'J'ai reçu une lettre de Sautes, votre collègue. Il veut prendre la retraite anticipée. Il ne reviendra donc plus. Et comme vous ne pouvez pas rester seul à faire vos enquêtes, j'ai décidé de vous attribuer quelqu'un. C'est un jeune, tout fraîchement sorti de l'école scientifique. Je compte sur vous pour sa formation.'

Jérôme ne sut pas quoi dire, tellement il fut pris au dépourvu. Il se contenta de regarder son capitaine.

Celui-ci sourit : 'Je l'appelle. Vous pouvez faire plus ample connaissance dans votre bureau. Ce sera tout lieutenant !' Le capitaine attrapa son téléphone sur le bureau et Dubois sortit.

Jérôme, assis derrière son bureau, réfléchit. Il se sentit un brin remonté. Il savait très bien qu'il ne pouvait plus continuer à travailler seul, c'était contre tout règlement, mais pourquoi ne pas demander son avis au lieu de lui imposer quelqu'un.... 'Ah la hiérarchie '  !!! Il soupira.

'Bon, je verrai bien, je ne suis pas difficile, plutôt agréable à travailler avec. Un point positif : il me fait confiance pour former un jeune, c'est pas mal.'

Il se calma et reprit ses taches administratives.

Quelqu'un toqua à la porte. Une tape discrète et à peine audible. Jérôme leva la tète et cria d'entrer.

Une jeune femme ouvrit la porte, hésitante et ne pas très à l'aise : 'Bonjour, lieutenant Dubois  ?' C'était plus une question qu'une confirmation.

Jérôme se leva : 'Oui, lieutenant Jérôme Dubois. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?’

'J'ai reçu des ordres de me présenter ici. Je serai votre nouvelle coéquipière. Lieutenant Estelle Nunes, à votre service !', elle le salua.

Jérôme la regarda incrédule : 'Vous ma nouvelle coéquipière  ! Mais...'

'Ca pose un problème ?’

'Non, non, bien sûr que non. Au contraire j'en suis ravi. C'est que ça m'arrive tellement vite. J'étais pas préparé... Mais asseyez-vous, qu'on peut faire connaissance.'

Il l'observa en souriant : une brunette, cheveux mi-longues jusqu'aux épaules, yeux verts lumineux, un visage très sympa. Elle était plus petite que lui, environ un mètre soixante-dix, svelte. Une silhouette très agréable... 'Je suis gâté', pensa Jérôme, 'la suite s'annonce très agréable.'

'Est-ce qu'on vous a fait visiter les bâtiments ?’

'Oui, j'ai passé presque tout la journée ici.'

'Bien, ça c'est fait alors. Comme il se fait déjà tard, je vous résume l'enquête en cours. Après vous pouvez prendre le dossier et l'étudier pour demain. Je propose qu'on se tutoie, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.'

'Non, pas du tout, je préfère aussi.'

Jérôme lui parla pendant une demi heure de l'enquête du Plateau de Sault et termina sur le point mort. Il ajouta encore la photo et dit qu'il attendait l'appel de l'adjudant Belôch.

Il était dix-huit heures largement passé quand ils prirent congé sur la promesse de Jérôme de faire plus ample connaissance le lendemain.

 

CHAP. XIX .

Mercredi, 24 juin, matin, Carcassonne.

La météo annonçait une belle journée, chaude même, avec des températures qui devaient grimper à trente-deux degrés.

Il faisait encore tôt ce matin, à peine sept heures et quart, quand le lieutenant Jérôme Dubois entra à la gendarmerie.

Il se sentit en forme, excité même, et ceci pour deux raisons : d'abord Estelle, la nouvelle. Ce sera leur premier jour de travail ensemble et il se demanda comment elle allait se comporter. Elle lui avait donné une bonne impression hier, pendant l'heure où ils travaillé ensemble et il était confiant pour aujourd'hui. La deuxième raison de son excitation était l'appel qu'il avait eu, la veille, de l'adjudant Belôch.

Jérôme ouvrit la porte de son bureau en sifflant et s'arrêta net : Estelle était déjà là. Elle était assise derrière le bureau, le dossier de l'enquête ouvert devant elle.

'Bonjour !', elle lui sourit.

'Tu es de bonne heure, Estelle ! Tombée du lit ?', il regarda la jeune femme. Comment une personne peut être si fraîche et radieuse si tôt le matin, il se demanda. Décidément, cette jeune femme était canon.

'Non', elle rigola, 'je suis matinale, une lève-tôt. J'aime bien ce moment de la journée, le calme avant l'heure de pointe, si tu veux, et en plus on a la tête claire.'

Elle indiqua le dossier.

Jérôme avait pris place devant le bureau... 'Qu'est-ce que tu en penses ?'

'Ce qui est frappant est l'absence d'indices. On nous dit à l'école que tout criminel laisse une trace, et voilà, mon premier dossier me dit le contraire.'

'Est-ce que tu crois que nous avons oublié quelque chose ? Qu'est-ce qu'on n’a pas vu ?'

Elle secoua la tête... 'Je ne vois pas, non. Ton hypothèse d'arc et flèche tient, je trouve. Ca explique l'absence de traces : on tue à distance, on retire la flèche et on disparaît.'

'Le motif alors ? Nous ne l'avons pas vraiment.'

'Si à mon avis, c'est la vengeance. Il y a que trois personnes suspectes : l'épouse et les deux enfants, mais pourquoi que après plus de vingt ans ? Il y a aussi le fait que les quatre chasseurs se connaissaient. Peut-être existe-t-il un autre lien entre eux, qu'on n'a pas encore trouvé. Est-ce qu'on creuse là-dessus ?'

'Oui, c'est une idée. Mais d'abord nous allons suivre une autre piste.' Jérôme expliqua comment il avait découvert par hasard la photo de Rodome et la voiture. Il parla aussi du travail de l'adjudant Belôch, qui avait réussi à sortir la plaque de la voiture.

'Voici la photo !' Jérôme la sortit d'une chemise, 'C'est encore flou, mais on voit quand-même les chiffres et lettres, sauf deux, cachés par l'herbe ou une branche. Ca donne donc : 34, les deux suivants on ne sait pas, KD 11. Belôch est sûr que c'est une Clio blanche.'

'Ca nous donne cent possibilités !'

'C'est faisable. Nous allons voir le registre des immatriculations ? Il est presque huit heures, l'adjudant doit être là.'

L'adjudant était bien présent. Il salua Estelle et Jérôme et ce dernier expliqua la raison de leur venu.

L'adjudant regarda la photo : 'Donc une Clio blanche, immatriculée 34 point, point KD11.', il sourit, 'Voyons, voyons...' Il commença à taper sur les touches de l'ordinateur sous le regard des deux lieutenants. Deux minutes plus tard le résultat s'afficha.

'Lieutenant, on dirait que c'était une année Clio : pas moins de six immatriculations cette année là, pour les cents possibilités... c'est fou ! Trois Clio sont du même propriétaire, un garage ici à Carcassonne, pour les autres vous avez là les adresses. Je vous imprime les résultats !’

'Merci adjudant !’

De nouveau dans le bureau, Estelle et Jérôme étudièrent la liste...

'Aucun des proprios habite le Plateau de Sault.', remarqua Jérôme.

'En effet. Nous avons donc trois Clios à Carcassonne, une à Coursan, une à Minerve et une à Bouriège.'

'Je propose qu'on laisse de côté ces trois adresses et nous pouvons commencer ici à Carcassonne. C'est où exactement  ?'

'Automobiles H.G., mécanique générale, carrosserie, peinture, zone commerciale Bourriette.

Ah, mais je sais où c'est !’

'Allons-y alors. Tu conduis.'

Le trafic était dense mais fluide. Estelle avait proposé, pour quitter le centre ville, de prendre direction Limoux au lieu de Toulouse, ceci pour éviter les embouteillages de l'heure matinale. C'était le bon choix et à peine quinze minutes plus tard, ils entrèrent la zone commerciale. Estelle tourna à droite, à gauche et de nouveau à droite et se gara devant le garage. Elle coupa le moteur.

'Oula ! Il y a du monde, on dirait !', Jérôme observa le lieu. Le garage avait plusieurs entrées pour les réparations et les mécaniciens s'activèrent autour des voitures.

'Oui, toujours ici. Ils ont un certain renommé et sont connus pour leur sérieux. L'accueil se trouve là, à droite.', Estelle pointa son doigt en direction de l'endroit.

'Entrons alors ! Je te laisse faire la conversation, tu es douée pour ça.', il rigola.

Elle le regarda en souriant : ' Tu me connais déjà bien  !', elle pouffa.

Ils se marrèrent toujours quand Jérôme poussa la porte  … 'Allez lieutenant, un peu de sérieux s'il vous plaît !', il donna un clin d'oeil à Estelle.

Quatre personnes étaient assises dans un coin attente à droite, et deux autres attendaient devant le comptoir. Les deux lieutenants devaient patienter.

Finalement l'homme derrière le comptoir, la trentaine, cheveux noirs, regard vif et souriant, les appela. Estelle demanda à parler à un responsable.

'Un instant, s'il vous plaît, je vais chercher un des responsables.', il poussa une porte à droite, apparemment l'accès aux ateliers et interpella quelqu'un. Il revint aussitôt à sa place derrière le comptoir... 'Il arrive, une minute de patience, s'il vous plaît.'

Estelle le remercia. Il fallait patienter à nouveau.

Peu de temps après, la porte s'ouvrit sur un homme, visiblement en surpoids, le visage rouge et les yeux cernés. Il ne sourit pas et vint d'un pas traînant vers les deux lieutenants...

'Je peux vous aider ?' La question était posée sans enthousiasme. Décidément, il ne voulait pas être dérangé.

Estelle ne se laissa pas décourager : 'Est-ce que nous pouvons parler en privé, monsieur ?’

L'homme regarda les deux lieutenant et soupira ostensiblement : 'On doit bien pouvoir trouver un bureau vide. Suivez-moi...'

Il se retourna et ouvrit une porte à droite qui donnait sur un petit couloir. Dans le bureau à gauche une femme travaillait sur l'ordinateur... L'homme les invita dans le bureau en face.

Estelle prit la parole : 'Je fais la présentation : je suis le lieutenant Estelle Nunez et voici le lieutenant Jérôme Dubois. Et vous êtes qui au juste ?’

'Henri Brunet, copropriétaire du garage et responsable de l'atelier.'

'Vous êtes plusieurs alors ?’

'Nous sommes deux. Je suis en fait le 'H' du H.G.... Mon collègue Georges n'est pas là. Il est en formation aujourd'hui.'

'Je vois. Nous enquêtons sur les meurtres du Plateau de Sault. Sans entrer en détail, une voiture enregistrée au garage a été photographiée sur le lieu d'un crime. Il s'agit d'une Clio blanche, immatriculée 34 36 KD 11.'

Jérôme regarda Estelle. Elle avait prit les deux numéros manquants au hasard.

Brunet intervint  : 'Nous avons effectivement des Clios comme voiture de prêt, mais je ne connais pas les plaques par cœur.'

'Ce n'est pas grave, ça n'a pas d'importance. Ce qui nous intéresse est de savoir à qui vous avez prêté une Clio le trente mai dernier.'

Brunet secoua sa tête : 'On ne note pas les prêts de voiture, lieutenant. Je vous explique : nous avons notre clientèle fidèle qui amène leur voiture pour les contrôles périodiques. Eux sont prioritaire pour avoir une voiture à leur disposition : nous avons des commerciales, des représentants, des gens qui ont besoin d'une voiture pour leur travail. Les voitures sont réservées pour eux et s'il en reste, c'est sur simple demande des clients.'

Les deux lieutenants se regardèrent : 'Qu'est-ce qu'on fait maintenant  ?'

Avec un mouvement de tête Jérôme encouragea Estelle de continuer.

'Vous notez bien les réservations pour l'atelier, monsieur Brunet ?’

'Oui, bien sûr...', il soupira, 'mais c'est confidentiel, je ne sais pas si...'

Là, Jérôme sortit de ses gonds : 'Monsieur Brunet, vous n'avez peut-être pas bien compris. C'est un enquête pour multiples meurtres qui nous amène ici. Nous vous le demandons gentiment. Si vous refusez, nous reviendrons avec un mandat et toute une armée de flics et je vous jure que ça ne sera pas votre meilleure journée. A vous de voir !’

Le copropriétaire du garage se tut. Son visage était devenu encore plus écarlate. Ses yeux allèrent d'Estelle à Jérôme. C'était clair : il était en colère. Il réfléchit, pesa le pour et le contre et finalement il se décida... 'Bon, si c'est comme ça d'accord.' Il se leva et alla à la porte : Venez, je vous présente à notre secrétaire... elle est en face.'

'Christelle, il y a ici deux lieutenants pour une enquête. Tu leurs donnes tout ce qu'ils te demandent. Je retourne à l'atelier. Si besoin tu m'appelles.'

Il hocha la tête vers les deux gendarmes et disparut.

Estelle resta perplexe. Mais quel connard, elle pensa. Elle se tourna vers Christelle : 'Il est toujours si aimable  ?'

La secrétaire pouffa : 'Il a ses jours. Mais je trouve qu'aujourd'hui c'est passable.'

'Ah bon !’

Tous les trois rirent de bon cœur...

'Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?', Christelle reprit son sérieux. Jérôme l'observa : une femme souriante, la quarantaine, cheveux noir, yeux foncés, un peu rondelette. Les pâtes d'oie autour des yeux et de la bouche lui allaient très bien. Elle aimait rire, c'était évident.

Estelle expliqua de nouveau la raison de leur visite : l'enquête, la voiture, etc...

Christelle réfléchit : 'Je n'ai pas d'info sur les voitures, par contre j'ai les réservations de l'atelier. Donc le trente mai, vous dites ?', elle tapa sur le clavier de l'ordinateur.

Jérôme intervint  : 'Les réparations peuvent durer plusieurs jours, je suppose, non  ?'

'Oui effectivement. Ca dépasse rarement les trois jours.'

'Le trente était un samedi. Est-ce qu'on peut avoir les réservations de toute cette semaine, donc à partir de lundi vingt-cinq mai ?’

'Oui bien sûr. Je vous l'imprime.'

Quelque secondes après l'imprimante commença à cracher des feuilles, cinq en total, une par jour. Christelle les ramassa et les donna à Jérôme. Les deux lieutenants la remercièrent et prirent congé.

Une fois dehors, Jérôme commença à feuilleter les papiers. Arrivé à deux pas de leur voiture, il s'arrêta net : 'C'est pas vrai !', il cria presque.

Estelle déverrouilla les portières : 'Qu'est-ce qu'il y a  ?'

Les deux lieutenants s'assirent dans la voiture. Estelle regarda Jérôme : 'Alors  ?'

Jérôme lui donna une feuille : 'C'est la feuille du jeudi. Tu vois le troisième nom  ?'

Estelle lut de haute voix : 'Marie Veestraeten. Ca alors ! La fille de …', elle regarda Jérôme incrédule, 'tu la crois coupable ?’

'Estelle, pour l'instant je ne crois rien. Marie est venue au garage le jeudi vingt-huit pour une réparation. La feuille nous ne dit pas si elle a eu une voiture de prêt et encore moins si elle est venue à Rodome le trente. Ce n'est pas une preuve.'

'Une simple coïncidence alors ?’

'Tu sais quoi  ? Nous allons le lui demander.'

Estelle démarra déjà la voiture.

 

CHAP. XX.

Estelle trouva une place juste devant la maison de Marie Veestraeten. Le montre sur le plateau de bord indiqua neuf heures quarante-cinq.

Jérôme observa la rue. Personne dehors, quelques voitures garées côté droit de la rue, le calme et de nouveau ce sentiment d'abandon le frappa.

Ils quittèrent la voiture et Estelle sonna. En vain, pas de réaction. Elle sonna de nouveau, pendant que Jérôme toqua à la porte du garage. Personne n'ouvrit...

'Apparemment elle n'est pas là.', Estelle soupira, 'qu'est-ce qu'on fait maintenant ?’

Jérôme réfléchit à la question. Il testa la poignée de la porte. Non, elle était bien fermée.

'Dommage que cette porte soit fermée, tu ne trouves pas, Estelle ?', il lança un regard complice à la jeune femme.

Elle le regarda perplexe, mais comprit le message : 'Parce que tu entrerais si la porte était ouverte ?', elle sourit.

'Oui, j'aurais bien aimé fouiner cette maison  !'

'Hm, je vois, mais c'est fermé, hein, quoi que...', elle se retourna, observa la rue, sortit une petite boîte plate de sa poche...

'J'ai eu un copain serrurier. C'est très utile ça, un serrurier. Il m'a appris des choses, je te dis pas...', elle sortit un petit objet de la boîte. Jérôme ne put pas le voir parce qu'elle le cachait dans sa main. Il se contenta donc d'observer la rue. Il n'y avait toujours personne. Il entendit le bruit caractéristique d'une clé qui se glisse dans une serrure, suivit d'une sorte de frottement et quelques secondes après le clac d'ouverture.

Estelle l'invita à entrer : 'Bienvenu, lieutenant.', elle eut les yeux brillants.

'Lieutenant Nunes, vous avez des talents remarquables... Une belle carrière vous attend.', il lui sourit et entra dans la vestibule. Estelle le suivit et referma la porte.

Ils restèrent là sans bouger... ils écoutèrent... aucun bruit.

'Estelle, si on nous prend sur le fait, la porte était ouverte, d'accord ?’

Elle approuva.

'Nous devons faire vite. Tu montes l'escalier et moi je regarde en bas.'

Jérôme entra dans la salle de séjour. Par où commencer il se demanda et en fait, qu'est-ce que je cherche exactement ? Il ouvrit un tiroir du buffet au hasard : stylos, crayons, papier, un carnet avec numéros de téléphone et adresses, rien de spécial. Sur l'armoire se trouvèrent plusieurs photos encadrées. Une représentait Marie et sa mère souriantes à l'objectif, sur une autre à côté, que la tête de Marie, séduisante et belle.

Il voudrait ouvrir un autre tiroir quand Estelle l'appela : 'Jérôme, monte ! Il faut voir ça !’

Arrivé en haut de l'escalier, Jérôme se trouva dans un petit couloir. La salle de bain était devant lui et à sa gauche, une porte ouverte laissait voir une chambre à coucher. Estelle, se tint à droite dans l'embrasure d'une autre porte : 'C'est ici !', elle jubila presque.

Jérôme entra. La fenêtre devant lui donnait sur la rue. Quand il vit le mur à gauche, il se figea. Une table était poussée contre le mur, mais ce qui le frappait fut toutes ces photos épinglées au mur. Le lieutenant se rapprocha. Maintenant il vit en fait quatre séries d'une dizaine de photos séparées entre elles par quelques centimètres de mur blanc. Jérôme reconnut les personnes sur les photos : la série de gauche était des clichés de Henri Calvel, le premier à avoir été tué. La deuxième série représentait Jacques Guyot, deuxième victime, suivi de Joseph Toustou, le troisième.

Les deux lieutenants se regardèrent...

'Qui est le quatrième ?', demanda Estelle.

'Il s'appelle François Siffre. C'est lui qui est venu témoigner de l'accident de chasse.'

'Ah oui, je l'ai lu dans le dossier !’

'C'est le seul à être encore en vie. Mais pour combien de temps encore ?’

'Mais comment elle a fait pour collectionner tout ces images  ?? Est-ce qu'elle suivait ces hommes avec un téléobjectif ? Et pourquoi tant de photos  ??', Estelle réfléchit à haute voix... 'Non, elle était avec ces hommes... oui, c'est ça, regarde Jérôme...', elle pointa du doigt une photo 'Celle-là a été prise de près. Donc, ces hommes la connaissaient, mais comment alors ?’

Jérôme se rapprocha encore plus : 'Oui tu as raison. Nous devons de toute urgence aller parler avec monsieur Siffre ! De toute façon, nous ne pouvons plus traîner ici. Viens Estelle, nous sortons.'

Les deux gendarmes descendirent l'escalier. Arrivés en bas, Jérôme retint sa collègue : 'Attend une seconde, je prend quelque chose à côté.' Il entra de nouveau le séjour, prit la photo de Marie sur l'armoire et sortit aussitôt.

'Ca peut servir... Nous n'avions pas encore sa photo.'

'On sort prudemment et je refermerai la porte.', Estelle montra l'outil dans sa main. Jérôme ouvrit tout doucement la porte, regarda la rue et sortit, suivi d'Estelle qui referma.

Une fois assis dans la voiture, Jérôme retira la photo de Marie du cadre et la glissa dans le dossier... 'Bon, Estelle, direction Chalabre ! Je suis curieux d'entendre les réponses sur les questions que j'ai à poser à ce monsieur Siffre...'

'Et moi donc ! Mais attend, Chalabre ?’

'Ah, tu prend direction Limoux et après Chalabre. J'ai l'adresse dans le dossier.'

'Je vois. C'est parti...', elle démarra et sortit de la rue.

 

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