Le 22 mars 2024: la grâce au Printemps des poètes

 

Lors du 1er jeu, nous nous demandons pourquoi seuls les poètes auraient le droit de fêter le printemps.

Chacun réfléchit au métier qu’il souhaitait faire lorsqu’il était enfant.  Par un jeu d’association d’idées découlant de ce métier, des listes de mots sont constituées. Chaque écrivant se retrouve donc avec 16 mots (dont il n’est pas responsable) à devoir placer, dans l’ordre, dans un texte répondant à une injonction, dont il n’est pas non plus responsable !

 

Pour s’inscrire au Printemps des astronautes, il faut une combinaison fabriquée par la NASA, qui aura été choisie lors d’un défilé de mode.  Au milieu d’un décor lunaire, un mannequin très solaire s’avance dans un tailleur Chanel, son visage recouvert de crème lui donne un air de pétasse fraichement moulue !  Dans les coulisses, on entend beaucoup de bla-bla sur les invités, la crème de la crème de personnalités connues !  Les commérages vont bon train, soit gentils, soit méchants. Comme de vulgaires concierges, ça bavarde, ça bave et ça râle sur tout et sur rien !  On est bien loin du sujet de la soirée : « La combinaison d’astronaute à la mode pour cette année ».

Bernard 

 

Pour s’inscrire au Printemps des Indiens, il faut une coiffe de plumes pour danser autour du feu.  Et bien que cela ne soit pas courant, à la manière des sorcières avec leurs balais, certains, certaines chevauchent sur des flèches qui vont et viennent au rythme du Boléro de Ravel.  Mais un Indien, tout à coup, allez savoir pourquoi, se transporte avec sa belle à l’opéra, après s’être chaussé, le pays des blancs oblige, de bottes de cow-boy qu’il exhibe, fier comme Artaban, devant une grosse madame. Celle-ci, outrée, lui dit : « Mon cher, gardez bien vos bottes enserrées sur vos pieds et partez de votre pas puant pour un jogging d’enfer. Et parcourez d’une course infernale cette nature suave (façon de parler) à la manière de Sisyphe, montez et descendez éternellement au rythme du boléro ci-dessus nommé, dans un ballet façon course d’obstacles, accompagné de tous les petits rats que vous recueillerez en guise de cailloux. »

Christian

 

Pour s’inscrire au Printemps des chorégraphes, il faut un tutu.  J’étais toute petite, intimidée dans ce grand théâtre.  J’avais un tutu rose, j’étais contente, il était assorti aux rideaux. À ce moment-là je me suis aperçue que j’avais une épine dans le pied.  Aïe, comment faire, je ne pouvais pas danser. Alors j’ai eu l’idée de me cacher dans les coulisses, certains ont pensé que je jouais à cache-cache. Je me cachais alors dans une loge où, merveille, il y avait une corbeille remplie de framboises. Et comme tous les enfants, je me suis régalée. Il y avait aussi du jus de fruit, comme ceux que j’emmène à l’école pour boire à la récréation du goûter. Là, je n’avais pas soif. Que faire ? Faire durer le jeu ? Les couloirs du théâtre étaient déserts. Tous les enfants étaient sur scène. Ils dansaient sur du sable qui avait été répandu sur la scène. C’était un ballet où des enfants s’amusaient, puis dansaient autour d’une table où il y avait une multitude de desserts. L’histoire de la pièce était Hansel et Gretel.

Dominique

 

Pour s’inscrire au Printemps des guides de montagne, il faut une carte IGN, sauf pour se rendre sur le Mont Blanc. Vu la fonte des glaciers, les chemins changent tout le temps. Le guide pourra se repérer aux traces dans la neige.  Mais le principal pour être guide de montagne, en toutes saisons, c’est d’aimer la marche, le froid et de ne pas avoir peur de bivouaquer en forêt, de savoir faire du feu quand la goutte au nez se transforme en iceberg.  Il faut également savoir faire pipi debout contre les sapins et courir très vite quand un ours se pointe, que ce soit un ours blanc ou un ours des forêts. Le guide de Montagne, pour sa course, peut emmener son doudou en peluche. Il lui confectionnera un matelas en épines de sapin, mais en secret, loin des randonneurs qu’il guide car il doit se montrer fort, même si le petit lapin en mousse qu’il a reçu pour Noël lui manque. Un guide de montagne, un vrai, ne claque jamais des dents, ne grince jamais des dents. Il ne montre pas sa peur, il reste un homme, un vrai, même au printemps.

Françoise  

 

Pour s’inscrire au Printemps des aventurières de terres inconnues, il faut bien sûr une boussole, pour ne pas perdre le nord, même si on est en exploration du pôle Sud !  Ce qui est une aventure fort exotique comparée aux aventures de ma grand-mère, toutes en pointes de tricot et aiguilles ! Le pôle Nord aussi c’est pas mal et ma grand-mère aurait approuvé depuis son confortable fauteuil et ses pelotes de laine. Mais là, ma petite, aurait-elle dit, il faut avoir les pieds bien sur terre et ne pas être à l’ouest. Et comment faire, Mamie, pour rester les pieds sur terre, moi qui aime tant rêver ? Un acupuncteur sûrement saurait équilibrer cette tendance à la rêvasserie, me conseillait-elle. Mais moi, j’étais déjà dans mon igloo pendant qu’elle me ventait les bénéfices du méridien des poumons -qu’on sait si bien équilibré- il permet de ne pas avoir froid même au grand Nord. Moi, j’étais en train de dépecer un renne pour en récupérer la fourrure.  Je construisais une structure en branche pour bien tendre la peau, quand soudain je me dis que la peau d’un ours aurait peut-être été plus chaude et surtout plus classe avec ses poils longs…  Un beau manteau d’hiver pour défiler aux pieds de la tour Eiffel, pas une peau mal séchée de renne, toute renfrognée, pour briller à Paris au milieu des passants joyeux… Ah, douce France depuis mon igloo si froid, c’est douloureux de rêver de toi.  Heureusement que Mamie est là pour me rappeler de ma rêverie.

Giulia

 

Pour s’inscrire au Printemps des dames pipi, il faut acheter un pulvérisateur et aimer les souterrains. Il faut aussi se parfumer aux huiles essentielles pour sentir bon et enlever les odeurs du métro. Ma copine Olive, qui vit dans un souterrain, adore par exemple s’installer sous les arbres et faire des pitreries pour amuser la galerie.  Le problème, c’est qu’elle sent fort et donc elle a un gros stock d’huiles essentielles, mais bref…  La lumière arrive chez elle par un vasistas qui donne dans une cour sombre.  Par un éclair de génie, elle est arrivée à transformer cette cave en un joli cocon avec plein de déco, et elle offre des chocolats délicieusement parfumés avec des essences de vin.  Parfois, elle utilise des œufs qu’elle peint et qu’elle dispose dans un verre.  C’est fort joli et toutes les dames élégantes qui viennent utiliser les latrines arrivent pour cinq minutes et restent parfois des heures, avec elle, afin de se ressourcer et surtout déguster des bonnes et belles choses. Elles se donnent le mot entre elles et, au final, elles se retrouvent toutes chez la dame pipi. C’est pourquoi on appelle ce lieu le Pipi Papotin ! Et elles organisent donc ce Printemps des Dames pipi tous les ans en novembre, car pour elles, qu’il pleuve ou que le soleil brille, c’est à ce moment-là qu’elles ont besoin de chaleur.

Héraldine

 

 

Pour s’inscrire au Printemps des coiffeuses, il faut un casque pour le mettre au salon. Là, votre masque va tomber et POUF !  « Mais c’est carnaval ! » crie-t-on du salon. « Il faut remettre votre masque et laissez votre casque, un peu de bienséance, s’il vous plait ! »  À ce moment-là, un clown apparait et votre sourire de coiffeuse se redessine. L’amour apparait, même vos dents sont prêtes à donner des baisers. Faut-il les arracher ?  Non !  L’amour, comme les pissenlits, repousse au printemps. Vous pouvez ainsi recoiffer vos clients et clientes sans les mettre sous votre casque sèche-cheveux, et leur chanter « c’est le Printemps des coiffeurs !! »

Martine

 

Pour s’inscrire au Printemps des footballeurs, il faut un ballon et un petit stade.  Pas de handball, un stade avec des buts larges et pourvus de filets. Le stade près du collège conviendrait bien mais les pelouses sont trop meubles. Les élèves sont tellement coincés à leurs bureaux, en classe, qu’ils semblent des footballeurs de bois. Et la maitresse de l’équipe, qui est raide comme une spatule, torture avec joie ses équipiers. Elle les oblige à porter un voile de crêpe noir qui leur caresse le visage à chaque déplacement. C’est assez beau à regarder mais il y a quand même une ambiance de deuil, drôle de printemps que ce Printemps des footballeurs.

Odile

 

Pour s’inscrire au Printemps des menuisiers, il faut évidemment du bois et la location d’un atelier.  Au printemps, les menuisiers ont l’habitude de se nettoyer de l’intérieur avec de l’eau, beaucoup d’eau après un hiver avec de la gnôle.  Leurs outils, ils les emportent à la rivière, comme le râteau et la nage.  Le jardinage cependant, c’est pas le truc des menuisiers, ni les palmes, ni les fleurs.  Pour se préparer au printemps, ils fument jusqu’à ce qu’ils voient un pingouin rose ou un mouton de Panurge.  Et si ça ne marche pas en fumant, il cherche une Barbie sur l’Internet, une formidable poupée quoi !

Paul

 

 

Le second jeu s’attache davantage à la notion de grâce. Chacun écrit sur deux papiers différents la chose (objet, personne, concept,…) à laquelle il rend grâce et la chose la plus disgracieuse à ses yeux. Les papiers sont mis au chapeau.

Nous allons écrire avec un incipit (tiré de La délicatesse de David FOENKINOS) et une phrase de fin récupérée d’un texte du 1er jeu. Et, parce que sinon ce serait trop simple, les 18 mots du chapeau vont être tirés et lus à voix haute, à peu près un mot par minute. Dès qu’il est lu, le mot doit être inséré dans le texte.

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans la forêt canadienne, enneigée à cette période de l’année. Après une nuit passée dans une cabane, l’aube pointant du nez leur indiqua que le moment était venu de reprendre la route. Ils traversent un village dans une indifférence totale, arrivent devant une clôture trop haute qui les détourne de leur chemin de vie. Plus loin, ils croisent un groupe d’hommes qui les regardent de façon perverse. Ils choisissent un chemin de terre en pensant à leurs vrais amis qui les attendent au pôle Nord, et ça les fait sourire. « La vie sans ami fait surgir les diables des églises » me disaient souvent mes parents. Près d’un arbre rempli de toiles d’araignées apparait un bossu chantant « alouette, gentille alouette », gravant dans l’écorce des pattes de cygnes. Tout à coup, Nathalie me cite Mark Zuckerberg, « dans une guerre, tout le monde est perdant ». On se retrouve à la croisée des chemins, on est totalement perdus. Merci à ma maman qui m’a obligé à prendre une boussole.  Pourquoi maman, pourquoi une boussole ? Pour ne pas perdre le nord !

Bernard 

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans les marécages. Il faut dire que Nathalie se levait tôt le matin, à l’aube autrement dit et prenait son p’tit déj sur la terrasse illuminée par le soleil levant qui se reflétait sur l’immense étang bordé de roseaux. Et en cela, il y a une différence avec son compagnon qui restait, lui, allongé le long de la clôture trop haute pour ses petites jambes qui parcouraient difficilement déjà leur chemin de vie. Alors, Nathalie partait se changer les idées et retrouver tous ces hommes pervers qui avaient hantés les rêves de son enfance. La terre, faut dire qu’elle n’aimait pas ça ! Et c’est au fond de l’eau qu’elle trouvait son bonheur. Elle sentait les poissons lui filer entre les orteils, ses vrais amis, disait-elle. Contrairement à tous ces animaux terrestres, style araignée qui, sans l’ombre d’un sourire, s’approchent de vous et vous ôtent la vie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Et vous envoient sans coup férir rejoindre les diables des églises. Mais entre nous, si ses parents avaient su ça, ils auraient bien regretté d’avoir fait une fille pareille, résultat peut-être d’un bossu style Quasimodo et d’une alouette. À moins que ce ne fut un cygne, bien que la ressemblance soit loin d’être évidente. Mais il faut s’appeler Marc Zuckerberg pour avoir un jour imaginé cela. Quel champ de bataille cela pouvait-il être ? Et où se trouvait-il ? Quelle guerre les avait conduits là ? Et comment s’y retrouver, ne serait-ce que pour un merci à ma maman ? Peut-être en s’orientant à l’aide d’une boussole. En effet, pourquoi une boussole pour ne pas perdre le nord ? That is the question !

Christian

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans la campagne. C’était la garrigue, l’aube se levait, il faisait frais. Nathalie marchait d’un bon pas devant moi. Le paysage était sublime mais elle y semblait indifférente. Elle ne regardait ni les fleurs ni le paysage coloré. Qu’on était loin pourtant du village dortoir aux clôtures trop hautes. Là, pas besoin de regarder. Mais sur ce sentier ! J’ai pensé alors qu’elle avait un chemin de vie à parcourir. Est-ce qu’il serait difficile ?... Je le pressentais. Il ne fallait surtout pas qu’elle tombe sur des hommes pervers, elle était trop fragile pour se défendre. Il fallait espérer en sa bonne étoile et que son esprit vienne sur terre, qu’elle prenne conscience de la réalité, qu’elle soit aussi entourée de vrais amis. Que j’aurais aimé en être un, la conseiller, veiller sur elle, l’aimer. Mais qu’étais-je pour elle ? Autant que l’araignée posée sur cet asphodèle. Elle me donna un sourire, je n’étais pas une araignée et elle finirait par m’accepter à ses côtés pour toute sa vie. Je le voulais, je réaliserais ce souhait. Après tout, je n’étais pas un de ces diables d’église, j’étais assez beau et j’avais assez de gentillesse pour la rendre heureuse. Bien sûr, elle ne plaisait pas à mes parents, ce n’était pas leur genre, mais je m’en moquais. Nous aurons, j’en suis sûr, un bel enfant qui ne sera pas bossu comme un de mes ancêtres. À ce moment-là, l’alouette chanta sur une branche d’arbousier, elle annonçait le bonheur. L’alouette, un si bel oiseau, pas comme les cygnes si vulgaires avec leurs grosses pattes. Ah ! être en couple et ne plus chercher, sur les applications de Zuckerberg, une compagne ! Mais serait-elle une bonne épouse, ou une qui aime toujours la guerre dans le couple ? Ma mère la conseillera et moi je dirai merci à ma maman pour les bons conseils qu’elle nous donnera. Maman qui, pour moi, est une boussole. Mais il faut bien perdre le nord parfois. Pourquoi une boussole pour ne pas perdre le nord ? Moi je veux le perdre avec elle.

Dominique

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans le caca que le chien du voisin laissait trainer tous les matins, à l’aube, devant l’allée de la maison. Nathalie partait en vol plané qui se terminait immanquablement dans le parterre de roses. Markus sortait alors de chez lui et, jouant l’indifférence, prenant l’allure du gars qui passait là par hasard, il se précipitait, sautant élégamment par-dessus les clôtures trop hautes et allait tendre la main à Nathalie. Mais malgré cette bravoure répétée chaque matin, Nathalie restait distante, lui donnant l’impression que leurs chemins de vie resteraient éternellement éloignés. Peut-être craignait-elle les hommes pervers ? Ce que Markus n’était manifestement pas. Ou alors, était-ce de la perversité que de récupérer chaque soir la crotte de Kiki tombée sur la terre du jardin ? De la conserver au chaud pour aller à la nuit tombée la replacer sur le trottoir, juste devant l’allée de Nathalie ? Ok, de vrais amis n’agiraient pas de la sorte. Mais ce n’était pas à de l’amitié que pensait Markus, il voulait autre chose. Depuis longtemps, une araignée lui courait dans le cerveau, lui tricotait les idées. Il lui fallait une femme. Une épouse qui afficherait un sourire permanent quand son époux lui raconterait sa journée de contrôleur d’impôts, sa vie dans ses tableaux Excel. Une épouse qui soignerait ses parterres de roses. Une épouse qui n’irait pas pleurer devant les diables des églises quand Markus serait mal luné.  Une épouse quoi !  Celle qui aurait pu plaire à ses parents. Ses parents à lui, ceux qui reposent sous le parterre de roses. Ceux qui lui avait dit de trouver une femme, pas une bossue, pas une avec un poil dans la main, pas une avec des alouettes dans les yeux ou des pattes de cygnes dans les poches. La fille de Mark Zuckerberg, elle aurait bien fait l'affaire ! Mais ce n’était pas Nathalie. Pour qu’il mette un terme à la guerre qu’il menait contre cette araignée qui lui tricotait les idées, ses parents lui avaient dit : « pourquoi une boussole pour ne pas perdre le nord ? Prends plutôt une épouse ! » Merci à ma maman….

Françoise

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans les grands espaces sauvages de leur terre natale. Nathalie avait une façon d’avancer à l’aube, au milieu de ces étendues de terre nue, que Markus se demandait si c’était elle qui avançait ou bien, elle immobile, la terre qui se déroulait sous ses pieds. L’indifférence de Nathalie envers Markus était quasi totale. Elle ne l’avait jamais remarqué qu’il sache. Ou alors, avec un certain ressentiment, pareil à celui qu’il lui lisait sur le visage quand elle se trouvait devant ces clôtures trop hautes pour être enjambées et qui lui coupaient son avancée. Et là, c’était comme si tout son chemin de vie se trouvait devant une impasse. Ce sont des hommes qui ont mis ces clôtures, des hommes pervers.  Sûrement un oiseau n’aurait jamais même imaginé délimiter comme cela l’espace, qui est à tous et, sur terre il faut le reconnaitre, spécialement à Nathalie. Ainsi le concevait Markus, « j’aurais voulu être son ami, de vrais amis. » Ils auraient pu avancer ensemble, faute d’être plus, mais lui il était gauche comme une araignée quand il bougeait. Ou s’était trop vite et de façon presque désorganisée ou c’était pas du tout.  Un sourire de Nathalie lui aurait redonné la joie de vivre. Si seulement elle pouvait tourner un petit peu sa tête, sa belle tête, tout en avançant bien sûr, et le regarder, et lui sourire, à lui ! Sa vie aurait pris tout son sens. Alors que là, il était tout seul, avec les diables des églises comme seuls compagnons pour lui rappeler encore et encore qu’il n’était rien pour elle alors qu’elle était tout pour lui, même plus que ses propres parents ! Un bossu aurait eu plus d’attention d'elle que lui qui n’avait même pas une bosse pour se démarquer. Une alouette chantait et lui se sentait mal assorti comme les pattes des cygnes quand ils sortent de l’eau et qu’ils se dandinent vainement, luttant contre la gravité terrestre.  Une fois, il s’était dit que s’il inventait quelque chose de remarquable, comme Mark Zuckerberg Google, alors là elle l’aurait regardé. Mais des fois, il réalisait que même la guerre avec toutes ses atrocités et ses tueries n’aurait pu distraire Nathalie de son avancée douce et ferme.  En ces moments de lucidité et d’admiration, il remerciait sa maman de l’avoir mis au monde et l’avoir aimé et lui avoir permis d’être là à voir Nathalie marcher. Et il se sentait bien là, à sa place malgré tout. Il était alors sa propre boussole et Nathalie disparaissait au loin, au nord, à l’aube. Il pouvait la laisser disparaitre à l’horizon. Pourquoi une boussole pour ne pas perdre le nord ?

Giulia 

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans la merde. C’était une vieille ferme emplie de vieux objets et c’était leur refuge. Dès l’aube, ils partaient comme deux vieux tourtereaux et se dirigeaient à travers la forêt afin d’atteindre au plus tôt ce lieu de prédilection. L’indifférence des villageois les blessait un peu mais ils avaient tellement d’amour à partager que même les clôtures trop hautes ne les ralentissaient pas. Leur chemin de vie était ainsi l’un pour l’autre, l’un avec l’autre et peu importent les hommes pervers, les vieilles bigotes renfrognées ou les enfants moqueurs, ils poursuivaient toutes les semaines. Les pieds dans la terre et jusqu’au bout ils avançaient. Le bout, c’était cette vieille ferme qu’ils retapaient, ce jardin à entretenir. Ils avaient de vrais amis qui leur rendaient visite parfois et qui ne craignaient pas les araignées, les cacas d’animaux ou l’odeur de vieux qui trainait encore dans la bâtisse. Markus voyait à leur sourire et à leur attitude le bonheur qu’ils prenaient à partager ces moments. Ainsi coulait la vie et cela aurait pu durer longtemps, si les diables des églises ne s’étaient pas mis en colère et n’avaient pas envoyé vers eux de lointains parents qui réclamaient la propriété pour en tirer trois sous. Le vieux était un bossu qui faisait peur à tout le monde. On disait qu’il avait été enfanté par une alouette qui l’avait laissé tomber du haut du nid. C’est alors que les pattes du cygne noir l’avaient écrasé. Bref, cet homme, qui avait bien connu Mark Zuckerberg, était machiavélique et passait son temps à faire la guerre à tout le monde. Il voulait, avec sa smala, récupérer l’argent de la ferme pour aller s’établir à la ville. C’est alors que Markus avait dit à Nathalie : « merci à ma maman, elle m’a appris que l’on peut toujours recommencer de zéro. » Et ils étaient partis pour redémarrer une nouvelle vie, se demandant pourquoi il leur fallait une boussole pour ne pas perdre le nord.

Héraldine

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans la rue pavée, ses petits talons cognant le bord du pavé, à l’aube. Ce bruit, il le gardait dans sa tête et son cœur. Pas d’indifférence, toutes ses pensées allaient vers ce bruit, même si une clôture trop haute l’empêchait de la voir déambuler sur ce chemin de vie prometteur. Des hommes pervers se cachaient-ils derrière cette clôture ? Mais Markus est là, une poignée de terre lancée les fera fuir. Puis, la rejoignant, ils iront chez leurs vrais amis. De dessous un pavé, une araignée sort ses pattes. Voilà un sourire sur leur visage, la vie est là, devant eux. Des diables des églises ?... Ils n’ont que faire ! Leurs parents seront toujours là. Ils disaient « toucher la bosse du bossu dans cette église porte bonheur ». Pourquoi une boussole pour ne pas perdre le Nord ? Ils n’en n’ont que faire, même lalouette chantera, le cygne avec ses pattes nagera ! Ce n’est pas Mark Zuckerberg qui déclenchera la guerre dans ce couple. Markus et Nathalie n’auront pas besoin de boussole. En chœur, ils diront : « merci à ma maman ! »

Martine

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans les feuilles mortes de la hêtraie ; le bruit provoqué par ses pas était délicieux dans l’aube de ce jour. Ils avaient décidé de petit-déjeuner tout en bas de la vallée. Dans l’indifférence que leur portaient les habitants du village, ils s’étaient organisés leur nouvelle vie. Les clôtures trop hautes ne les gênaient en rien, ils adoraient ramper pour passer dessous. Un nouveau chemin de vie, ramper dans l’herbe, glisser dans les feuilles mortes… les hommes pervers qu’ils avaient connus dans leur vie professionnelle étaient loin. Un sac, un thermos, du bon pain et du miel, quel petit-déjeuner les attendait sur cette terre où ils avaient élu domicile ! Les vrais amis seraient ceux qui feraient route vers ce petit coin de montagne, ceux qui sauraient partager leur grenier plein d’araignées et leur feu de bois. Sourires et calme, voilà les nouveaux échanges qui allaient les nourrir, la vie quoi ! Pas plus compliqué que ça ! Ça y est, ils entendaient la rivière, elle glougloutait comme les petits diables des églises que leurs parents leur faisaient écouter quand ils étaient petits, soi-disant pour qu’ils se tiennent sages et droits comme des enfants bien élevés, pas comme ces petits bossus des chapiteaux de la petite église. Pourquoi une boussole pour se repérer ? Là, au bord de la rivière, c’était l’alouette qui les guidait. Puis, alors qu’ils se rapprochaient de la grève, des traces de pattes de cygne les menèrent jusqu’à une grande pierre plate pour leur petit festin du matin. Le soleil maintenant inondait les prés. Zuckerberg était, lui, bien loin, les infos sur les guerres aussi. Il s’agissait bien pour Markus et Nathalie de ne plus jamais perdre le nord.

Odile

 

Markus avait souvent observé Nathalie. Il aimait la voir marcher dans le jardin, à l'aube, parmi les fruitiers en pleine floraison. Sa façon de marcher montrait son indifférence envers le monde. La clôture trop haute paraissait trop basse comparée à son élégance. Son chemin de vie survolait tout ce qui était matériel. Les hommes pervers n’avaient aucune chance avec elle. Elle ne les voyait même pas. Nathalie, elle, elle faisait partie de la terre, et ses vrais amis aussi. La terre qui vit, qui bouge. Et elle se déplaçait sur cette terre comme une araignée qui se servait d’un sourire quand elle en avait besoin, à ce moment de la vie.  À d’autres moments, quand elle pensait aux diables des églises, elle cherchait de l’aide chez ses parents. Son père était un peu bossu parce qu’il avait trop regardé l’alouette dans le ciel, tandis que les pattes de cygne ne l’avaient jamais intéressé. Ni les inventions du fameux Mark Zuckerberg à qui il voulait déclarer la guerre et lui poser la question : « pourquoi il faut une simple boussole pour ne pas perdre le nord ? »

Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

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