le 24 février 2020: la porte


1er jeu : pour s’échauffer la main et se relâcher l’esprit ; sur le modèle du cadavre exquis, un jeu de questions-réponses partant de « la porte à laquelle je n’ai jamais osé frapper ».  







2ème jeu : un tableau à compléter circule.  Il faut répondre aux questions le plus spontanément possible.

Après, chacun récupère un tableau.  Les mots seront à introduire dans l’incipit et dans le texte.  Une phrase du 1er jeu est reprise comme phrase de fin du texte.





Louis XVI a pris la porte de la nouvelle maison de mon fils, et de ma belle-fille et de ma petite fille et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte il y a un trou béant et le paillasson se lamente de ne plus voir personne passer le seuil.  Des jours entier, il scrute l’horizon mais en vain.  Au désespoir de ne plus voir personne, il éclate en sanglots et, miracle !  L’eau de ses larmes imbibe ses poils drus.  La nuit tombe et, attiré par l’humidité du paillasson, un moustique vient se loger entre ses fils.  C’est l’occasion ou jamais de se lier d’amitié avec le moustique et de l’envoyer en reconnaissance pour lui ramener des visiteurs qui, ô délices, essuieront leurs chaussures sales sur son dos ardu.  Le moustique s’éloigne et, après quelque temps, il rencontre un cyclope à cinq jambes assis sur le talus mangeant une pomme.  Il sort de sa poche une hostie oubliée par le curé de l’église voisine qui, à la vue du cyclope, a détalé à toutes jambes, racontant à ceux qu’il rencontre qu’il a vu un monstre.  Les gens lui répondent : "est-ce que les personnes de ton entourage sont aussi coincées ?"  Le moustique parvient à convaincre le cyclope de l’accompagner pour que le paillasson puisse à nouveau sourire à la vie.
     Anne



Un lépreux a pris la porte de la maison de Blanche Neige  et des sept nains et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte, il y a un trou béant et un sac plein de livres, et un poète très beau avec des yeux magnifiques.  Il y a aussi un lépreux très moche, qui me faisait peur, avec un porte-jarretelle tout noir et rouge.  Il s’est acheté une pomme d’amour à la foire et un caniche très beau pour aller en croisière faire de jolis voyages.

     Christiane 


Un politicien honnête a pris la porte des communs de l’abbaye des moines de la pointe de Gulvar et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte, il y a un trou béant et le vent de la mer s’y engouffre sans retenue.  Les moines ont froid, de plus en plus froid.  Le père-abbé aurait dû se méfier de ce politicien le jour où il était venu frapper à la porte du monastère, arguant de sa volonté de prononcer ses vœux.  L’abbé avait été amadoué par les mimiques du chiwawa dans les bras de l’homme.  Il ne s’était pas non plus alarmé devant ce sourire sirupeux rempli de dents telles des figues sucrées et juteuses.  Ce sourire de politicien honnête.  Très vite, l’homme s’était adapté au rythme de vie de l’abbaye, s’empressant d’accomplir les tâches les plus humbles, vaisselle, épluchage, corvée WC.  Il conversait à égalité avec tous ses frères moines, qu’il fut modeste facteur dans sa vie d’avant ou tête couronnée.  Mais ces mielleuseries n’étaient qu’un leurre, masquant ses viles intentions.  Un soir, le politicien honnête a emporté la porte des communs et le porte-manteau moche de l’entrée.  Il avait deviné que, dans le tube central, le père-abbé y planquait ses économies.  Depuis, les moines sont pétrifiés, ne se nourrissant plus que de radis noirs.  Ils ont hontes de leur naïveté et n’osent plus sortir de l’abbaye de peur qu’elle n’éclate au grand jour.  Est-ce que les personnes de leur entourage étaient aussi coincées ?

     Françoise



Un petit garçon a pris la porte de la médiathèque clandestine et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte il y a un trou béant et, si tu t’approches suffisamment prêt, tu peux sentir l’odeur des ouvrages anciens, un mélange de papier humide et d’encre d’imprimerie.  Tu peux aussi humer l’aventure,  la culture et la curiosité.  Si tu t’approches encore, tu seras alors happé par un puissant courant d’air chaud et, passant à toute vitesse dans le corridor de l’entrée de la connaissance, tu remarqueras un étrange décor fait de la croix du savoir et d’un très ancien chandelier, gardien de la flamme de l’esprit.  A ce stade précis, tu pourras encore faire demi-tour par une petite trappe au plafond, ouverte sur la vie réelle.  Mais si tu supportes le fumet des deux ultimes gardiens de ce le lieu, un vieux bouc à la toison aussi épaisse que longue et un cheval élancé -jeune étalon prêt à s’élancer sur la piste du tiercé ou au saut de haie- ils te conduiront enfin vers les voies de la sagesse, transmises de générations en générations, mais aussi vers la folie et la passion de lire.  Tu apprendras, tu t’informeras, tu méditeras…  Tu te perdras, tu rêveras, tu vivras cent vies en une seule !  Oui, si tu parviens à passer cette porte de l’inconnu, cette porte qui n’est plus mais qui se mérite tout de même, qui n’est pas donnée à tous, alors tu récolteras rapidement les fruits de cette épopée !  Raisins sucrés, pamplemousse amers et tomates fondantes.  Est-ce que tu oses ?  Mais est-ce que les personnes de ton entourage étaient aussi coincées ?    

     Hélène


Le pape a pris la porte du fond du jardin donnant sur le canal et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte, il y a un trou béant et finalement, c’est pas plus mal car elle était vieille et moche, cette porte, depuis le temps qu’elle était là.  Une porte en bois vermoulue, sans serrure ni même poignée pour la fermer.  On y poussait le guéridon contre, mais du coup elle fermait mal.  J’y avais trouvé un rat presque crevé qui était arrivé du canal, et en même temps une musaraigne égarée, largement plus jolie que le rat d’ailleurs.  On avait sympathisé, un peu, sans plus, car quand le pape l’a vue, il n’a pas aimé du tout qu’elle s’insinue sous sa robe.  Un pape, « ça n’aime pas les animaux » a dit mon petit fils qui m’accompagnait ce jour-là.  Bref, le pape avait pris la porte du fond du jardin pour symboliser l’ouverture sur le monde.  Il a posé une grande bougie dans le trou béant, « lumière de Dieu ? » m’a-t-il dit.  Il a invité tous les riverains du canal, des SDF pour la plupart, à s’abriter maintenant que la porte était ouverte.  Une manifestation s’est organisée, il y en a qui n’étaient pas pour.  Ils ont lapidé le pape à coup de prunes, ça faisait sale sur sa robe blanche.  Et il m’a demandé : « Mais est-ce que les personnes de ton entourage sont toutes aussi coincées ? »
     Marie-Jo



Un homme préhistorique a pris la porte du jardin extraordinaire et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte, il y a un trou béant et, en se penchant bien, on y voit une énorme araignée.  Une araignée dangereuse et qui trompe son monde.  Elle a fait manger des cerises à cet homme alors que c’était la pomme qui lui était dévolue.  C’est ainsi que, ayant tout confondu, il s’est retrouvé dans un monde peuplé de gens qui vaquaient d’une pièce à l’autre, l’un prenant le téléphone posé sur un guéridon, lui jetant un regard indifférent, d’autres, assis à table où trônait un chandelier à six branches, lui jetèrent un œil hautain.  Est-ce que les personnes de ton entourage étaient aussi coincées ?
     Michèle


Alexandre Dumas a pris la porte de la sortie délaissée d’un parc publique et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte, il y a un trou béant et, comme il se doit, dans les pierres de cette nouvelle embrasure, des chauves-souris sont venues nicher.  Plus personne n’ose emprunter ce passage par crainte de se voir coiffer de ces pipistrelles inquiétantes.  Dans la famille Dumas, les enfants se lancent des défis.  Qui aura le courage de traverser cette béance pour entrer dans ce parc ?  Nestor, qui est le petit-fils du dit Alexandre, équipé d’une chandelle fichée sur un bougeoir, y est un jour arrivé.  La lueur de la chandelle a surpris les chauves-souris le temps du passage de Nestor.  Firmin, lui, a chapardé du caviar à la table dominicale et, après avoir attiré vers une  assiette pleine de ce merveilleux caviar toutes ces bestioles, a pu rejoindre le parc.  Agathe, elle, qui n’a pas froid aux yeux, a chapardé le revolver de son grand-père et, après trois coups de feu, a dispersé alentour ces souris-oiseaux et est passée, fière d’elle.  Édouard, le cousin venu en vacances avec son berger malinois, s’est senti protégé par son chien et a franchi en courant cette béance dans le vieux mur.  Et moi, arrivée de la grande ville, j’admirais le courage de ces cousins.  Je n’avais pas d’idée, j’étais terrorisée à l’idée qu’une chauve-souris s’emmêle dans ma chevelure et je suis restée là, figée.  Est-ce que toutes les personnes de ton entourage étaient aussi coincées ?
     Odile 


Le Père Fouras a pris la porte du pensionnat pour jeunes-filles et ne l’a jamais rendue.  Depuis, à la place de la porte, il y a un trou béant et une vue sur une énorme photo de famille.  L’histoire raconte que le Père Fouras, qui était très curieux en jeunes-filles, y a vécu comme un saint, mais un saint bon-vivant !  Au lieu de s’occuper des moutons avec son berger allemand, il préférait plutôt attraper une énorme pastèque et la dévorer avec toutes les jeunes-filles du pensionnat.  Pas toutes ensembles évidemment, mais l’une après l’autre.  C’est pourquoi le Père Fouras est toujours imprimé sur des images avec un arc, l’arc de Cupidon.  A la fin de son escapade au pensionnat, le juge lui a demandé : « est-ce que les personnes de ton entourage étaient aussi coincées ? »
     Paul





3ème jeu : un tableau de Magritte et un texte dans lequel nous répondrons à la question:"qui est passé dans le trou de la porte et pourquoi ?".  Un Incipit, repris d'une phrase du 1er jeu.  Nous ouvrons la porte aux mots qui ont fait leur entrée dans le dictionnaire en 2020, nous en introduirons 5 (tirés au sort) dans notre texte.




Parce que je ne sais pas grimper aux arbres, j’ai préféré me demander qui était passé par la porte.  Etait-ce le lapin d’Alice au Pays des Merveilles ?  Ce ne pouvait être que lui à voir la silhouette qui se profilait et la jarnigoine étalée sur le seuil.  Il venait certainement de prendre le thé chez le chat qui lui avait fait tout un discours sur la zythologie, c’est-à-dire la culture de bien s’asseoir.  Sans doute allait-il à la recherche d’Alice qui lui expliquerait tous les mots compliqués que le chat lui avait inculqués en scrollant sur son ordi.  Je décidai de le suivre et je franchis donc le trou béant qui se découpait dans le tronc d’arbre.  Je failli m’enfirouaper dans la boue humide mais j’arrivai à m’accrocher aux racines, raguillant mon sac à dos sur mon épaule
     Anne



« Parce que je ne sais pas grimper aux arbres, je vais grimper aux murs ! » répétait à qui voulait l’entendre Hackaton, le petit-fils du politicien honnête, celui qui avait fini ses jours au monastère de la mer.  Grimper aux murs est pratique quand on veut se consacrer à une vie de monte en l’air, de brigands de grands chemins.  Après des années d’entrainement, sa technique était rodée.  Il prenait son élan, courrait, un salto arrière puis il scrollait d’un bon coup de rein et se redressait sur les murs les plus hauts.  Mais hélas, grimper n’était pas le tout.  Les portes lui résistaient.  Il avait beau les secouer, les raguiller tant qu’il pouvait, impossible de pénétrer dans ces grandes villas où il ne pouvait qu’imaginer des coffres remplis de diamants et d’énormes undo plus scintillant les uns que les autres.  C’est un soir de désespoir qu’il eut l’intuition de la zythologie, cette science qui permet d’accomplir l’impossible alors qu’on est presqu’acculé à dure ZUT à tout.  Les portes, il suffit de les traverser pour pénétrer dans ces palaces qui nous font rêver.
     Françoise



Parce que je ne sais pas grimper aux arbres, je me suis donc résolu à trouver une autre voie que mon tilleul pour aller espionner mon bel et nouveau voisin.  Forte de mes séances de fitness du vendredi soir, j’ai été acquérir un hackaton à la lame luisante.  Je me suis évertuée à briser la roche à l’arrière de mon jardin, entre deux rangées de poireaux, biens protégés par les haies touffues de jarnigoines.  J’ai beaucoup sué, jusqu’à que le roc révèle une anfractuosité conséquente.  Là, gênée par l’obscurité du trou, je suis remontée dans ma cuisine pour concocter un scroller, indispensable pour chasser les rongeurs, arachnides et autres êtres plus ou moins désagréables dans le noir.  Je suis repartie explorer ce tunnel naissant avec mon nouvel outil.  Heureusement que j’étais débrouillarde et inventive, le jeu en valait la chandelle !  Pour ne pas m’user les reins, j’ai préféré utiliser mon undo de rechange, il vaut toujours mieux épargner l’autre pour ses vieux jours.  Mon cœur léger rendait la tâche plutôt agréable.  J’allais, je le sens, vers une idylle précieuse.  Mais je préférais observer à distance et me délecter d’avance, plutôt que de me ruer sur ce jeune-homme avec précipitation.  Enfin, j’aperçus une lueur à travers une ultime galerie… et du bruit !  Je ralentis et grattais maintenant avec le bout des ongles.  Approchant un œil au maximum, je vis alors qu’il s’agissait des toilettes de ce charmant voisin.  Il était sur le trône, égrenant son chapelet, sa toison taillée en forme de croix.  Un prêtre ! Je me sens déjà atteinte de bigorexie
     Hélène



Parce que je ne sais pas grimper aux arbres, je n’ai pas pu voir l’être ou la chose qui est passée à travers la porte.  Oui, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais cette porte se situe tout en haut de l’arbre.  C’est cette nouvelle mode du jarnigoine !  Moi, d’en bas, même avec ma licence en zythologie, je ne peux me fier qu’à mon imagination.  Je suppose qu’un scroller de chez Harry Potter est passé avec son laser.  Il venait de l’école de Raguiller d’où il s’était échappé car il n’aimait pas la magie du tout.  Il a « undo », c’est-à-dire défait tout le filet que ses parents avaient maillé autour de lui, et a sauté comme Batman à travers la porte… et on le cherche toujours !
     Marie-Jo



Parce que je ne sais pas grimper aux arbres, de là où j’aurais pu apercevoir celui qui nous avait si bien enfirouapé et qui maintenant détalait dans la pente tel un chevreuil enamouré.  Je hélais mon compagnon plus bas vers les remparts et, quand ce maudit Hackaton franchit la porte, il reconnut Jarnigoine, ce petit salopard qui nous avait déjà, par la passé, causé maints malheurs.  Undo, undo, nous le prîmes en chasse à travers la lande et les boqueteaux et c’est vers l’étang du noir désir, alors que nous étions près de le coincer, qu’il sauta dans l’eau trouble et disparu.  Au désespoir malgré tout,  nous allâmes quérir le curé du patelin qui vint bénir le disparu, suivi de toute la bigorexie du canton.
     Michèle




Parce que je ne sais pas grimper aux arbres, Undo, mon ami de Bolivie, me conseille de faire un stage de bigorexie.  J’aurais préféré qu’il me fasse la courte échelle pour atteindre la première branche mais il est catégorique et me dit que dans les forêts de la jungle bolivienne, tous les ados comme lui, Undo, doivent franchir la porte creusée il y a des années dans le haut d’un tronc de sequoia et qu’une fois mon stage de bigorexie fait, j’aurai les capacités de le suivre et qu’il m’aidera à franchir cette porte.  Me voilà donc au Nord-Est de Medelin avec d’autres peureux comme moi, devant le grand gourou Hackaton.  Après trois jours de repas à base d’énormes pastèques, nous devons partir traverser plusieurs cours d’eau aux eaux furieuses.  Nous devons être en pleine vigilance si nous ne voulons pas nous faire enfirouaper.  Solidarité est notre maître mot, seul, nous serions emportés par les flots.  Hackaton, du haut du rocher, nous observe.  L’épreuve est terrible, et le soir, de retour au camp de base, Hackaton nous délivre un certificat.  Mais pour moi, la plus belle reconnaissance est la main tendue d’Undo qui m’entraîne vers l’arbre géant.  La porte haute, je vais la franchir… et après ??
     Odile




« Parce que je ne sais pas grimper aux arbres » disait l’homme à l’agent. « Celui qui a cambriolé cet appartement par le balcon, depuis cet arbre, ce n’est pas moi.  Il faudra arrêter un autre et le raguiller puis l’enfirouaper.  Il faut se demander qui est passé par cette porte et surtout où il allait.  Est-il venu pour voler le nouveau hackaton du propriétaire ?  Peut-être était-il victime de bigorexie ou encore pire, de zythologie, qui le dira ?  En tout cas, pas moi !  Je passais juste pour rapporter la porte du pensionnat de jeunes-filles. »
     Paul
 


si vous êtes curieux…
BIGOREXIE : Addiction caractérisée par un besoin irrépressible de pratiquer intensivement une activité sportive, malgré le risque de blessure ou d'épuisement et parfois, même, aux dépens de sa vie professionnelle et familiale. 
HACKATON : Processus créatif, très utilisé dans le domaine de l'innovation numérique, qui consiste à faire travailler ensemble et sans interruption des volontaires sur une durée de vingt-quatre à quarante-huit heures environ, dans le but de faire émerger des idées novatrices.  
RAGUILLER : (Suisse) Remettre d'aplomb ; redresser. 
SCROLLER : terme signifiant "faire défiler un contenu sur un écran".  
UNDO : sorte de nouilles japonaises
ENFIROUAPER : (Québec) tromper, duper.
JARNIGOINE : (Québec) intelligence, jugement, bon-sens ZYTHOLOGIE : étude de la bière



 

 
 
 




 









 





 


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